a) Les stations d’expédition, centres structurants du bassin

La géographie de l’espace productif arboricole de la Moyenne Vallée du Rhône correspond aux caractéristiques des bassins de production décrites par Jean-Pierre Diry (1997). Pour lui, en effet, tout bassin de production présente généralement un cœur où les conditions de production sont les plus favorables, les prix de revient les plus bas et des marges où le système tend à se dégrader. Les cartes révèlent, en Moyenne Vallée du Rhône, l’épine dorsale de l’axe rhodanien où la production est concentrée et les marges où les vergers se diluent progressivement. Or, la vallée du Rhône est également le lieu où la pression foncière est la plus grande. Qu’est-ce qui explique cette concentration dans la vallée ?

D’une part, les conditions de production y sont certes plus favorables : terrains plats, réseaux d’irrigation, sols adaptés à la production fruitière. D’autre part, les conditions de mise en marché y sont également plus favorables, puisque la quasi-totalité des stations d’expédition et les deux marchés de production sont situés le long de la vallée du Rhône, répartis à proximité des cinq sorties de l’autoroute A7 qui jalonnent l’épine dorsale du bassin. Comme l’a montré Claudine Durbiano dans son analyse du système productif de primeurs du Comtat (Durbiano, 1997), nous pensons que la proximité entre les producteurs et les centres de mise en marché est primordiale dans l’explication de la géographie de ce bassin de production de fruits frais. En effet, la gestion de la fraîcheur impose ici, comme dans le Comtat, des allers-retours quotidiens entre le verger et la station d’expédition, qui ne peut donc pas être située à plus d’une heure ou deux de trajet de l’exploitation.

La fréquentation quotidienne des stations d’expédition par les producteurs influence également la dynamique sociale du bassin. Qu’elles appartiennent à des coopératives, des producteurs-expéditeurs, des expéditeurs privés, des bureaux de vente, ou que ce soit sur les marchés physiques, les stations d’expédition sont des lieux où les producteurs se croisent fréquemment pendant les mois de la saison de récolte. Ils constituent aujourd’hui les principaux lieux de rencontre, presque incontournables, entre arboriculteurs. En effet, si les centres techniques comme la SEFRA ont joué un rôle d’émulation et de rassemblement dans la période de modernisation (années 1960-1980), cette dynamique a aujourd’hui disparu107. Les techniciens l’expliquent par la privatisation progressive de la recherche variétale, par le développement du conseil technique interne aux OP (souvent assuré par un technicien de la Chambre d’agriculture), et par des demandes plus spécifiques de la part des producteurs, nécessitant une analyse individuelle de leur exploitation de la part des techniciens.

Les stations d’expédition, quel que soit leur statut, constituent donc des centres structurant la géographie de la production et des lieux de rencontre entre arboriculteurs. Voyons comment la diversité de leurs organisations influence la structuration spatiale du bassin de production.

Notes
107.

Entretien avec un technicien de la SEFRA, avec un technicien de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche et avec un responsable syndical élu à la Chambre d’agriculture de la Drôme, 2006.