b) Le maillage du bassin par les différents types de metteur en marché

Deux niveaux de regroupement des flux de production expliquent la structuration spatiale du bassin de production (Figure 13). Le premier a lieu au stade des liens entre producteurs et opérateurs de première mise en marché, organisés de diverses façons dans des OP coopératives ou libres ou encore dans des organisations informelles du modèle de la fédération. Ce niveau concerne majoritairement un regroupement physique de la production livrée pour être calibrée et conditionnée dans les stations d’expédition (même si dans les OP libres chaque producteur-expéditeur peut disposer de sa propre station). Le second regroupement se joue au niveau des accords entre opérateurs de première mise en marché, qui concernent principalement des expéditeurs du modèle de la délégation. Il n’y a jamais regroupement physique de la production à ce niveau. Le regroupement concerne seulement les transactions commerciales, donc les flux d’information et les facturations. Les commerciaux réceptionnent les demandes du marché d’expédition, et les transmettent ensuite vers les centres opérationnels que sont les stations d’expédition (coopératives, producteurs-expéditeurs). A leur tour, leurs directeurs transmettent les exigences de ce marché vers leur propre production ou vers leurs producteurs apporteurs, via les cahiers des charges à la production.

Figure 13: Les deux niveaux de regroupement de la production pour l'expédition
Figure 13: Les deux niveaux de regroupement de la production pour l'expédition

Cette structuration en deux niveaux peut ainsi se lire de manière ascendante et descendante, selon la nature du flux que l’on analyse. De manière ascendante, on peut dire que les fruits produits dans les vergers transitent vers les stations d’expédition de l’axe rhodanien, puis virtuellement, ils transitent de celles-ci vers les unions commerciales, d’où ils sont vendus à des clients situés dans toute la France et en Europe du Nord. Ils sont alors physiquement expédiés, empruntant par camions entiers l’autoroute A7 en direction du Nord. De manière descendante, les informations et exigences commerciales reçues par les commerciaux des unions commerciales ou des expéditeurs du modèle de la fédération sont transmises jusqu’aux producteurs, de manière plus ou moins médiatisées et coercitives. Les expéditeurs et leurs producteurs du modèle de la fédération s’adaptent à ces exigences de manière collective et transparente : les producteurs sont clairement informés des attentes du marché et y répondent d’autant plus volontairement. En revanche, les coopératives et expéditeurs du modèle de la délégation imposent un cahier des charges à la production qui, du même coup, joue davantage un rôle d’écran entre les producteurs et les informations provenant du marché qu’un rôle de médiation. Ne comprenant pas, ou mal, la justification de ces exigences, les producteurs du modèle de la délégation ont du mal à les accepter.

Ainsi la double structuration de la première mise en marché dessine un maillage géographique de l’approvisionnement des opérateurs de l’expédition de la Moyenne Vallée du Rhône. Les flux entre les producteurs et ces opérateurs dépendent davantage de leurs localisations respectives que d’autres considérations (il n’y a pas, par exemple, de structuration de l’approvisionnement en fonction des espèces). Des aires d’influence peuvent être identifiées (Carte 9) pour chacun des expéditeurs. Les aires les plus importantes, tant en termes de surfaces que de nombre de producteurs concernés, sont celles correspondant à l’espace d’approvisionnement des OP coopératives (représentation cartographique par des traits plus épais) et, en second lieu, de leurs unions commerciales. Les exigences de l’aval reçues par un commercial de Fruit Union ont un impact plus important sur le bassin de production de la Moyenne Vallée du Rhône que si elles passent par une OP libre.

Carte 9: Aire d'approvisionnement des OP, par type de fonctionnement (2006)

Sources : fond IGN, Statistiques RGA 2000, enquêtes PSDR, enquêtes personnelles. Réalisation C. Praly, 2009.