a) Concurrence de la production nationale

Sous l’effet de la modernisation agricole nationale, la géographie fruitière française se modifie, faisant émerger des régions spécialisées dans la production de masse, plus compétitives que la Moyenne Vallée du Rhône.

La comparaison des chiffres des surfaces et des volumes de production est révélatrice. Ainsi en 2004 (Figure 18), si la région Rhône-Alpes est encore le premier verger de France en surfaces, avec plus de 31 000 ha recensés, elle n’occupe plus que le 5ème rang des volumes produits, derrière les régions PACA, Pays de la Loire, Aquitaine et Languedoc-Roussillon, qui ne comptent pourtant respectivement que 30 000 ha, 11 000 ha, 27 000 ha et 25 500 ha de vergers. Le calcul des volumes de productions moyens par surface placent la région Rhône-Alpes en avant dernière position (6t/ha)159, juste avant la Lorraine. Cet écart de rendement par rapport aux régions spécialisées dans la production de pommes est lié à la différence de productivité des espèces. La pomme, qui donne un haut rendement, explique les bons niveaux obtenus par les régions concernées : Pays de la Loire160 (36t/ha), Limousin, Haute et Basse Normandie (entre 16 et 17t/ha).

Figure 18: Comparaison des régions fruitières françaises, 2004.

Sources: Données du Ctifl, réalisation C. Praly

Pour expliquer la différence de rendement entre les régions méridionales, toutes productrices des mêmes espèces de fruits d’été, il faut analyser pourquoi les vergers des régions du sud produisent davantage que ceux de la région Rhône-Alpes. En effet, la productivité moyenne des vergers de la région PACA atteint 25 t/ha. Cela s’explique par l’histoire ainsi que par la situation géographique des bassins de production. De fait, l’évolution des volumes de production par région française entre 1955 et 2006 (Figure 19) montre la montée en puissance plus récente mais très rapide de la production de fruits d’été dans les régions méridionales.

Figure 19: Evolution des productions fruitières régionales de 1955 à 2006, par espèce (en 100 kg)

Sources : SCEES et Agreste pour les chiffres de 1989 à 2006, D. Leroux pour les chiffres de 1955 à 1975 (Leroux, 1976). Réalisation C. Praly, 2009.

C’est entre 1959 et 1967 que la Moyenne Vallée du Rhône perd sa position de leader, devancée par les régions PACA et Languedoc-Roussillon. Les exploitations, plus récentes dans ces régions, présentent des structures moins morcelées et des vergers plus vastes (Tableau 16). Au contraire, la Moyenne Vallée du Rhône pâtit de structures d’exploitations plus anciennes, donc plus émiettées, ainsi que de productions plus diversifiées. Certes, la situation septentrionale offre des avantages stratégiques, mais également des limites pour la production. En effet, si la situation pédo-climatique permet de produire toutes les espèces fruitières et d’être le bassin de fruits d’été le plus tardif et le plus proche des agglomérations du nord de la France et de l’Europe, les aléas climatiques constituent en revanche une menace constante. Le gel ou la grêle peuvent anéantir la production certaines années, comme ce fut le cas par le gel en 2003. Et la protection des cultures, que ce soit par la lutte anti-gel161 ou par l’installation de filets para-grêle, occasionne chaque année des charges supplémentaires aux exploitations de la Moyenne Vallée du Rhône.

Tableau 16: Structure du verger par région (1962-64)
Classe de tailles du verger 0 à 2 ha 2 à 5 ha 5 à 20 ha > 20 ha
Rhône-Alpes 51% 28% 14% 7%
PACA 32% 25% 30% 13%
Languedoc-Roussillon 45% 25% 20% 10%
Aquitaine 41% 16% 26% 17%
Midi-Pyrénées 38% 17% 13% 32%

Source : Dussert 1969

Ainsi la modernisation des vergers qui a eu lieu dans la Moyenne Vallée du Rhône ne compense pas une situation structurelle et géographique moins compétitive que celle des régions du sud de la France.

Notes
159.

Les chiffres donnés ne correspondent qu’à une année : 2004. Etant donnée la forte variation annuelle des volumes de productions fruitières, il ne s’agit pas ici de retenir ni d’expliquer ces chiffres précis, mais bien d’analyser la différence entre plusieurs régions, observées à un même instant t.

160.

Le très haut niveau de rendement moyen s’explique par la forte industrialisation de la production de pommes dans cette région, alors que les trois autres régions évoquées ont conservé une production un peu plus traditionnelle.

161.

Les arboriculteurs utilisent différentes techniques permettant de limiter les effets du gel lorsque la température ne descend pas en dessous de -3/-4°c : des bougies anti-gel accrochées dans les arbres, des ventilateurs installés dans les vergers, des méthodes d’aspersion.