d) La crise de la sharka en Moyenne Vallée du Rhône et la perte de confiance en l’avenir

Dans le même temps la Moyenne Vallée du Rhône est touchée par une crise sanitaire sans précédent, celle de la sharka. Ce virus, affectant les pêchers de la Drôme depuis plus de dix ans, s’est développé sans qu’aucun moyen curatif n’ait pu être trouvé. Il se propage d’arbre en arbre et de verger en verger par le biais de pucerons. Aujourd’hui, l’ensemble de l’espace allant de Loriol au Sud à Chanas au Nord est touché, avec des foyers plus importants dans certains secteurs géographiques. Le plus ancien et le plus important est celui de la plaine de Châteauneuf-sur-Isère, commune fortement spécialisée dans la production de pêches, où des centaines d’hectares ont été arrachés ces dernières années. D’autres foyers correspondent aux espaces où les pêchers sont concentrés : plaine de Saint-Rambert-d’Albon et plaine entre Loriol et Livron.

La seule méthode de lutte est préventive. Elle consiste à effectuer des prospections systématiques dans les vergers et à arracher et brûler les arbres atteints. Différentes mesures politiques ont été prises, fixant des seuils de proportion d’arbres atteints entraînant l’arrachage obligatoire de la parcelle. Des indemnisations ont été mises en place pour compenser un peu les arrachages, toujours contestées par les syndicats agricoles parce que trop faibles. Aujourd’hui, pour y avoir droit, les arboriculteurs doivent, en contrepartie, s’engager à ne pas replanter de prunus sur la même parcelle.

Les difficultés économiques et la sharka ont contribué à une forte diminution des surfaces de vergers de pêchers dans le département de la Drôme : en quelques années la culture qui avait fait la gloire départementale a été divisée par deux (Figure 22). Plus que le potentiel de production, ce sont les perspectives d’avenir et la confiance des arboriculteurs en leur métier qui sont affectées par cette situation difficile et conflictuelle. Les prospections dans les vergers ont été rendues obligatoires pour les campagnes 2006 et 2007, devant être réalisées soit par des groupes d’arboriculteurs volontaires, soit par les services agricoles départementaux (FDGEDON172). Devant le refus des arboriculteurs, certaines exploitations ont dû être visitées presque par la force, avec l’appui des gendarmes. Par ailleurs, à cause de l’interdiction de replanter des prunus après les arrachages, des exploitations conservent des parcelles nues, en jachère. Il n’est en effet pas évident d’installer d’autres productions sur les terrains caillouteux et draînants favorables aux pêchers. Les producteurs se déclarent démunis et sans perspectives. La belle émulation qui avait existé entre la station de l’INRA de Gotheron et les arboriculteurs a été rompue par la sharka. L’INRA est accusé par nombre de producteurs d’être à l’origine de la diffusion du virus, qui aurait été importé avec du matériel végétal, et qui aurait infesté la plaine de Valence.

Figure 22: Surfaces du verger de pêches-nectarines de la Drôme.

Sources: SCEES, Ctifl, Agreste Rhône-Alpes, élaboration C. Praly.

En définitive, l’évolution qui touche la filière, par l’internationalisation des échanges et la pression concurrentielle exercée par une distribution extrêmement concentrée entraîne une baisse tendancielle des prix des fruits, constamment nivelés vers le bas sur les circuits d’expédition. La Moyenne Vallée du Rhône est mal placée sur ces marchés, avec des coûts de production qui sont supérieurs à ceux des pays à faible coût de main d’œuvre et avec une diminution du potentiel productif du fait de la sharka. Le plus grave pour ce bassin, mais le plus difficile à mesurer, est la crise de confiance qui s’est instaurée : les arboriculteurs semblent découragés et sans perspectives. Dans ce nouveau contexte, le bassin de production-expédition de la Moyenne Vallée du Rhône n’est plus compétitif. Son existence institutionnelle et commerciale se délite peu à peu.

Notes
172.

Fédération Départementale des Groupements de Défense contre les Organismes Nuisibles.