Deuxième Partie
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Stratégies de valorisation des arboriculteurs, entre circuits d’expédition et circuits de proximité

‘"Allez faire comprendre que les choses les plus importantes
sont celles qui n'existent pas ou à peine..."
Jankelevitch, cité par F. Pernet, 1982, p.72.’

A l’intérieur de ce bassin de production sous tensions, comment les producteurs parviennent-ils à maintenir la viabilité de leur exploitation ? Parviennent-ils à mobiliser des ressources territoriales ? Par une analyse microsociale menée sur le pas de temps de la thèse, cette seconde partie s’attache à décrire les formes de valorisation développées par les producteurs en réponse à la crise structurelle de leur filière. L’analyse des stratégies mises en œuvre à l’échelle des exploitations conduit à l’identification de circuits de commercialisation valorisant des ressources territoriales. Le fonctionnement de ces circuits sera approfondi à travers l’étude des opérateurs qui les font vivre et des collectivités territoriales qui sont susceptibles de les soutenir.

La notion de proximité, qui permet de saisir l’éloignement à la fois spatial et relationnel entre acteurs, est utilisée dans l’analyse des ressources mobilisées dans les différentes pratiques de commercialisation.

Dans la filiation des travaux portant sur les processus de développement localisés, la notion de proximité est théorisée par les économistes de la proximité241. Elle permet d’analyser les dynamiques de coordination entre les acteurs situés dans un espace donné et la nature de ce qui les influence (Gilly et Torre, 2000). Pour ces auteurs, la proximité rend compte d’une échelle d’éloignement/rapprochement entre deux acteurs, et des différentes natures que peut recouvrir cet éloignement/rapprochement. Cette distance entre eux n’est en effet pas seulement métrique, mais aussi culturelle, cognitive, etc. Ainsi, une typologie des proximités est élaborée pour qualifier ces différentes natures d’éloignement/rapprochement. Une première distinction est faite entre, d’une part, la « proximité géographique », et d’autre part, la « proximité organisée » (Rallet et Torre, 2004).

La « proximité géographique » correspond à la séparation dans l’espace entre deux personnes. Elle peut donc se traduire en distance métrique ou horaire, et tient compte des spécificités des terrains sur lesquels elle s’applique. « Mais elle intègre également la dimension sociale des mécanismes économiques, ou ce que l’on appelle parfois la distance fonctionnelle » (Torre, 2004, p.4). En d’autres termes, elle dépend à la fois de la distance physique, kilométrique, elle prend en compte les contraintes naturelles, ainsi que les construits humains influant sur cette distance : infrastructures de transport, moyens financiers ou technologiques favorisant la communication, perception de la distance par les acteurs, etc.

La « proximité organisée » est la distance relationnelle entre deux personnes en termes de potentiel de coordination (Rallet et Torre, 2004, p.27). Toujours selon ces auteurs, la proximité organisée se décline en deux types de logiques :

Nous retiendrons les notions de proximité géographique, proximité organisée et plus précisément proximité institutionnelle pour analyser les coordinations entre les différents acteurs intervenants dans les circuits de commercialisation étudiés.

Notes
241.

Le numéro spécial de la Revue d’Economie Régionale et Urbaine (RERU, n°3, 1993) intitulé « Economie de proximité » est considéré comme la première publication des travaux de cette école. Elle rassemble notamment André Torre, Jean-Pierre Gilly, Jean-Benoît Zimmerman, Bernard Pecqueur, Alain Rallet.