II. Des circuits régionaux plus rémunérateurs que l’expédition ? Etude de cas

Après la description de l’évolution des pratiques de commercialisation, reste la délicate question du bilan économique de ces différents débouchés. Il est très difficile de parler de prix pour illustrer chaque type de pratique, étant donné la très grande variabilité de cette donnée en fonction des espèces, des variétés, des années, des jours et des opérateurs. En outre, le prix seul ne donne pas une grande indication du résultat obtenu par l’exploitant. Or, ce qui nous intéresse ici est bien le revenu du producteur, et la contribution de chaque pratique de commercialisation dans celui-ci. En effet, s’il est largement reconnu que les formes de commercialisation parallèles aux circuits d’expédition permettent d’obtenir un prix supérieur, il est tout aussi fréquent d’entendre que ces pratiques ne sont finalement intéressantes que lorsque des aides familiales en supportent le travail supplémentaire. Le discours de ce directeur de coopérative, bien que caricatural, illustre les termes de la problématique : « Moi mes adhérents ils sont pas sur les routes le samedi, ni le dimanche, ils ont pas un véhicule réfrigéré pour aller faire 300 km et aller vendre à des stations de ski ou autre tous leurs dimanches et tous leurs samedis. Moi les miens pendant ce temps, le week-end ils le passent chez eux, à travailler ou en famille peu importe, dans leur piscine sûrement, et ils sont bien heureux de leur système. »296

Qu’en est-il vraiment ? Les charges économiques et le temps de travail liés aux différentes pratiques de commercialisation sont-ils démesurés par rapport au différentiel de prix obtenu ? Nous ne disposons pas de sources écrites pour répondre à cette question. Les comptabilités n’intègrent pas toutes les ventes, ne mesurent pas toutes les charges, en particulier le temps de travail des producteurs et de leur famille. Réaliser les bilans économiques de toutes les exploitations enquêtées aurait été un travail énorme, à condition encore que tous les producteurs acceptent de s’y prêter avec nous. Néanmoins, l’analyse approfondie d’un cas permet d’ancrer un peu mieux notre questionnement dans la réalité économique actuelle. Il s’agit de donner quelques éléments de comparaison du résultat économique des formes de valorisation que nous décrivons. Pour ce faire, l’étude d’une exploitation combinant diverses voies de commercialisation pour le même produit nous a semblé pertinente pour pouvoir les comparer dans des conditions identiques. Le second critère de choix de cette exploitation est la relation de confiance établie avec le producteur, qui a accepté de nous livrer la totalité de ses comptes, et de travailler avec nous à l’évaluation des charges liées aux divers modes de commercialisation. Pour des raisons de confidentialité évidentes, nous ne préciserons pas la localisation de l’exploitation, ni le nom des différents opérateurs évoqués.

Notes
296.

Directeur de coopérative, entretien personnel, 2008.