a) La construction d’une offre spécifique adaptée aux demandes des consommateurs

La principale ressource mobilisée est liée à la proximité producteur-consommateur, une proximité faite de fraîcheur, de service, de confiance. L’analyse détaillée montre que ces trois éléments sont consciemment construits par les producteurs.

i. Les caractéristiques spécifiques de l’offre de proximité

L’offre de fruits proposée par les producteurs en vente directe présente des caractéristiques spécifiques constituant une qualité impossible à trouver dans les autres circuits. Ces caractéristiques sont au nombre de six. C’est d’abord la vente de fruits cueillis à maturité, qui est citée seize fois. Cette caractéristique est véritablement centrale pour beaucoup de producteurs, et conditionne le travail en amont (récolte, gestion des stocks, des écarts de tri). C’est leur principal atout de différenciation par rapport aux fruits proposés dans les circuits de distribution longs, et la plupart des producteurs mentionnent que cela correspond à une réelle demande des clients : « La maturité, pour un commerce de proximité, de détail, je pense que celui qui ne fait pas ça il n’a pas compris grand chose non plus »314.

‘« Après en abricot c’est pareil, tous ce qui est abricot et pêche c’est la maturité quoi, contrairement à ce que l’on peut trouver en grande surface ou chez les grossistes. Nous c’est vraiment la plus mûre possible. Et la relation avec le consommateur c’est qu’ils les veulent vraiment mûrs. Après, ça devient même délicat pour nous, à un moment donné on ne peut pas »315.’

La très grande fraîcheur des fruits est citée par 14 producteurs. C’est souvent le corollaire de la maturité. Cela signifie pour les producteurs interrogés que les fruits sont cueillis le jour même ou la veille (délai très court indispensable pour les fraises et les cerises), ou seulement quelques jours avant la vente (pour les abricots et les pêches).

Une offre diversifiée, intégrant diverses espèces et variétés de fruits, et parfois des légumes, est citée 16 fois. A la diversité spécifique et variétale, s’ajoute une déclinaison des qualités pour une même espèce : des fruits frais premier choix, des seconds choix, des fruits pour la confiture. Cela permet de proposer divers prix, satisfaisant ainsi toutes les demandes.

Les explications données par le producteur constituent une caractéristique citée 11 fois. Ces explications peuvent concerner l’ensemble de ce qui touche au fruit, de la production à sa consommation. Le mode de production, et en particulier ce qui concerne les traitements phytosanitaires, est le thème qui est le plus cité par les producteurs (7 fois). Ils expliquent à leurs clients le principe de la production raisonnée qui est aujourd’hui de plus en plus appliqué, comment se passent les récoltes, et plus généralement : « J’explique comment vit mon arbre, comment je travaille ». Cinq producteurs évoquent la question de l’utilisation finale des fruits : « il faut leur expliquer comment choisir les produits pour telles utilisations, pourquoi ils se conservent pas, le goût de telle variété ». Certains proposent des recettes. Enfin, les thèmes de la conservation des fruits, de la justification des prix affichés et de l’art de choisir les fruits sont cités deux fois. Un producteur pratiquant la libre-cueillette raconte même qu’il a dû apprendre à ses clients non seulement à choisir un produit mûr, mais également à le cueillir sans abîmer ni le fruit ni la plante. Lors de ces échanges, les producteurs prennent pleinement conscience qu’ils détiennent des connaissances et des savoir-faire qui ne sont pas communs, et qui jusqu’à présent leur semblaient être des évidences.

L’établissement d’une relation de confiance est évoqué par neuf producteurs. Cette relation, fondée sur l’interconnaissance, sur la durée, entre le producteur et le consommateur est jugée rassurante par le producteur : « Quand on fait un marché il faut toujours être au même endroit et que ce soit la même personne » Pour certains, le fait d’avoir le magasin à la ferme, que les consommateurs puissent voir les vergers et les serres donne une « traçabilité maximum » qui correspond à la demande actuelle. Enfin, certaines relations de confiance vont au-delà du seul objet des fruits pour toucher aux questions personnelles : « Dire qu’on est peut être des confidents, ils [les consommateurs] parlent de tous les problèmes comme ça sans rien leur demander. C’est parce qu’ils viennent depuis longtemps, mais il y en a qui vont raconter leur vie de famille ».

Enfin, une relation de convivialité est mentionnée dans neuf cas. Au-delà de la confiance, peut s’établir une interconnaissance, une sympathie entre le producteur-vendeur et les consommateurs. Les discussions sont nombreuses, et débordent largement le thème des fruits : on parle du temps, de l’actualité locale, des nouvelles. "On connaît les prénoms de tous les petits. On connaît la plupart des noms de familles des gens qui viennent. On sait à peu près où ils habitent. On sait le village. Que cette dame là vient d’Alixan, celle là de Bourg-de-Péage. Oui on se connaît bien »316. Il y a un réel plaisir dans l’échange pour le producteur : « C’est plus que commercial. Il y a tout un échange. Ça me plait ». Si certains précisent que les clients venant à la ferme prennent plus le temps de discuter que sur les marchés, un autre décrit ainsi ses relations avec ses clients du marché : « Oh plus, plus que commerciaux ! Je vous dit pas le nombre de pêchers que je vais tailler dans les jardins ! Il y a presque une camaraderie ».

La relation nouée avec le producteur n’est pas la même selon que l’acheteur soit habitant ou « de passage ». L’ensemble des producteurs décrivent différemment ce que recherchent ces deux catégories d’acheteurs, le contenu de leurs échanges et de leurs attentes.

Notes
314.

Producteur vendeur en vente directe, enquête de 2007.

315.

Productrice vendeuse en vente directe, enquête de 2007.

316.

Productrice vendeuse en directe, enquête de 2007.