b) Viabilité des exploitations renforcée par la proximité producteur-consommateur
La vente réalisée directement par le producteur au consommateur apporte des avantages économiques favorables à la viabilité des exploitations. Les différents déterminants de cette viabilité économique sont détaillés ici selon leur ordre d’importance :
- « Prix » : la vente directe permet de vendre à des prix plus élevés que la vente en gros, donc d’obtenir plus de valeur ajoutée pour un même produit. Cet avantage est de loin le plus mentionné, cité seize fois, par tous les types de producteurs, quelles que soient leurs motivations.
- « Valorise le hors-standard» : la vente directe permet de vendre des fruits qui ne seraient pas acceptés sur les circuits d’expédition, ou seraient payés à des prix très bas. Cet avantage est important, cité neuf fois de manière constante par tous les types de producteurs, quelles que soient leurs motivations.
- « Trésorerie » : la vente directe permet d’être payé immédiatement, de faire rentrer de la trésorerie pour payer les charges en cours, alors que bien souvent par les circuits d’expédition les délais de paiement sont de plusieurs mois. Cet avantage est cité six fois. On reconnaît ici une critique explicite du fonctionnement du système d’expédition.
Par ailleurs, des avantages d’ordre psycho-sociaux sont mentionnés par les producteurs. La vente directe, en participant à une revalorisation du métier d’arboriculteur, leur confère une motivation nouvelle pour maintenir leur exploitation :
- « Satisfaction personnelle » : la vente directe procure des avantages de l’ordre du bien-être, de la motivation personnelle. Pour certains producteurs, c’est lié à la reconnaissance qu’ils reçoivent de la part des clients pour la qualité de leurs produits, et ainsi pour leur travail. Ils évoquent leur fierté lorsque les gens se régalent des fruits devant eux, avant de reprendre la voiture, ou lorsqu’ils reçoivent des compliments la semaine ou l’année suivante. Ils apprécient également de pouvoir expliquer la complexité de leur métier, et se défendre de certaines attaques devenues des lieux communs (« agriculteurs pollueurs »). Cela participe de leur motivation à exercer leur métier. Pour d’autres, c’est lié aux nombreuses rencontres faites lors de la vente, qui permet également de « sortir de l’exploitation »320 (par des discussions diverses, par les déplacements sur des marchés). Certains évoquent un « besoin psychologique »321, pour compenser l’isolement et la relative solitude du travail de production. Cet avantage, bien que ne rentrant pas dans le bilan économique, est également important, cité huit fois.
- « Connaissance des consommateurs » : la vente directe permet, par les discussions avec les consommateurs, de mieux connaître leurs demandes, leurs attentes, le marché. Cette connaissance permet aux producteurs d’adapter leur production (variétés, maturité, qualité, pratiques phytosanitaires, volumes) pour un objectif plus concret et plus justifié que les exigences parfois aberrantes des cahiers des charges de la grande distribution ou des référentiels internationaux. Par le lien aux consommateurs, les producteurs redécouvrent non seulement un marché, mais un marché auquel ils adhèrent par la même conception de la qualité des fruits. Certains l’expriment ainsi : « ça réapprend à travailler ». Cet avantage est de tous le moins cité, sept fois.
Enfin, un dernier avantage est cité une fois seulement. C’est ce qui concerne les liquidités pourvues par la vente directe, dont une partie peut ne pas être déclarée. Si cet aspect est vrai pour tous, il est difficile de l’évaluer. Certains confirment effectivement l’intérêt de la vente directe « pour les vacances »322, mais la plupart soulignent qu’ils déclarent cette pratique puisqu’elle est visible.
Finalement, par la construction d’une offre spécifique permise par la proximité production-consommation, les exploitations améliorent les conditions de leur viabilité. L’offre n’est pas uniquement constituée des fruits et de leurs caractéristiques intrinsèques (maturité, fraîcheur), mais également d’un service (gamme, explications) et d’une dimension relationnelle de l’échange marchand (confiance, convivialité). Cette offre, co-construite par les échanges répétés entre le producteur et ses consommateurs, constitue donc une caractéristique spécifique des fruits vendus par vente directe. Les exploitations commencent peu à peu à mobiliser des attributs territoriaux pour communiquer et spécifier davantage encore leur offre de vente directe.
Notes
320.
Producteur pratiquant la vente directe, enquête de 2007.
321.
Producteur pratiquant la vente directe, enquête de 2006.
322.
Producteur pratiquant la vente directe, enquête de 2007.