a) D’un marché producteurs-expéditeurs nationaux à un marché producteurs-détaillants régionaux

Les acheteurs des marchés de Chanas et de Pont-de-l’Isère sont essentiellement des détaillants et des petits grossistes qui revendent aux détaillants sur les marchés de gros des villes de Rhône-Alpes et d’Auvergne (Photo 24). Ainsi, sur la quinzaine d’acheteurs présents le 26 juillet 2007 à Chanas, nous avons pu interroger un grossiste de Clermont-Ferrand, un détaillant de Haute-Loire et un détaillant de Savoie. Le premier revend sur le marché de gros de Clermont-Ferrand, qui alimente les détaillants de la région. Les volumes achetés à Chanas représentent une très faible part de ses transactions totales, environ 1%, mais il s’y arrête en revenant des marchés du Comtat pour trouver des abricots et des cerises tardives. Le détaillant de Haute-Loire tient un magasin et vend sur un marché hebdomadaire. Fréquentant ce marché depuis 25 ans, il déplore la diminution du nombre de vendeurs. Il s’arrête à Chanas pour acheter des fruits (cerises, abricots, pêches) qu’il ne trouve pas à Cavaillon, plus spécialisé en légumes, mais les volumes achetés sont disproportionnés : environ 2 t. par voyage à Chanas contre 10 t. à Cavaillon. Enfin, le détaillant de Haute-Savoie revend sur trois marchés hebdomadaires (Cluses, Annemasse, Bonneville) ainsi qu’à des collègues détaillants. Il se fournit à Chanas et Pont-de-l’Isère le jeudi, notamment pour les abricots qu’il ne trouve plus qu’en Moyenne Vallée du Rhône à cette période de la saison, à Châteaurenard pour les légumes, les pêches et les melons, et au MIN de Lyon le mercredi pour les agrumes et les fruits de contre-saison. Il constate que « chaque région a sa production ». Au total, s’approvisionner en produits frais l’oblige à faire trois chargements et 2 400 km par semaine.

A Pont-de-l’Isère, l’analyse du fichier des abonnés montre que 20% des détaillants ou petits grossistes proviennent de l’Isère, 18% de la Drôme, 11% de l’Ardèche, 9% de la Loire, donc essentiellement de Rhône-Alpes (Villard et al., 2003). L’étude réalisée par R. Villard et al. souligne que rares sont les détaillants qui s’approvisionnent uniquement sur le marché. Ils complètent chez les grossistes ou en direct chez les producteurs, notamment hors-saison. Ceux qui ont plusieurs points de vente, donc besoin de volumes et de variété importante, s’approvisionnent également sur les marchés du Comtat et au MIN de Lyon. Les cinq détaillants interrogés le 26 juillet 2007 confirment ces résultats : ils vendent sur les marchés forains de l’agglomération lyonnaise, de la Drôme, de l’Ardèche, de la Loire et de l’Auvergne. Un seul s’approvisionne entièrement à Pont-de-l’Isère, tandis que les autres vont également sur les lieux évoqués ci-dessus.

Un nouveau type d’acheteurs se rencontre désormais sur les marchés : des revendeurs qui détaillent sur les marchés forains des villes et qui cherchent des prix bas. En passant après les premières transactions, ils discutent fermement les prix avec les producteurs, puis revendent ensuite très peu cher aux consommateurs. Les producteurs n’apprécient pas ces détaillants qui « ne veulent pas payer les fruits ». Certains préfèrent même remballer plutôt que de leur vendre à des prix si bas.

Enfin, les opérateurs de la restauration ne fréquentent presque pas les marchés de production. Les responsables du marché de Chanas ne connaissent qu’un restaurateur qui vient une ou deux fois durant l’été. A Pont-de-l’Isère, le service de restauration collective d’une clinique vient régulièrement pour trouver des produits frais, améliorant la qualité des repas à un prix raisonnable. Le reste de l’approvisionnement est réalisé auprès d’un grossiste.

Photo 24: Petit grossiste acheteur à Pont-de-l'Isère

Cliché C. Praly, août 2007, Pont-de-l’Isère

Les acheteurs des marchés sont donc des détaillants et petits grossistes qui recherchent une gamme variée de produits, fruits et légumes, en petites quantités. Les marchés de Chanas et de Pont-de-l’Isère leur offrent un approvisionnement complémentaire, notamment en fruits, de ce qu’ils trouvent sur les marchés de Cavaillon, Châteaurenard et Carpentras, plus approvisionnés en légumes.