b) Analyse de la fréquentation du marché de Pont-de-l’Isère : la confirmation d’un renouvellement des usagers acheteurs

A partir de l’enregistrement mensuel de la fréquentation des différents usagers du marché de Pont-de-l’Isère, tiré des régies du marché de 2000 à 2007371 (2001-2006), il est possible de visualiser l’évolution de la fréquentation (en nombre d’entrées) totale et par catégorie d’usagers. Lors de chaque entrée par les portails automatiques, les usagers sont en effet enregistrés sous quatre dénominations (que nous avons conservées dans les graphiques) correspondants aux définitions suivantes :

Acheteurs : les acheteurs abonnés, qui viennent régulièrement et qui ont un certificat professionnel délivré par la CCI. Ces acheteurs sont répertoriés dans les fichiers (ils constituent les chiffres analysés précédemment).

Acheteurs occasionnels (occas achet) : ce sont les acheteurs non abonnés, qui paient à chaque entrée, et dont les coordonnées ne sont pas répertoriées.

Vendeurs : les vendeurs abonnés, qui viennent régulièrement et qui ont un numéro d’immatriculation à la MSA. Leurs coordonnées sont elles aussi enregistrées dans le fichier du marché (elles constituent les chiffres analysés dans la partie suivante).

Vendeurs occasionnels (occas vendeur) : ce sont les vendeurs non abonnés, qui paient à chaque entrée, et dont les coordonnées ne sont pas répertoriées.

Cette activité annuelle est largement rythmée par le caractère saisonnier de la production fruitière locale (Figure 43) : les pics de fréquentation des mois de juin, juillet et août, qui concernent en particulier les vendeurs, illustrent la forte orientation de l’arboriculture locale vers la production de fruits d’été. D’ailleurs, la tenue quotidienne du marché pendant cette période, contre trois jours par semaine le reste de l’année, renforce l’effet de pic de fréquentation. Les tendances annuelles d’évolution de la fréquentation sont principalement liées à l’activité estivale (son augmentation ou sa diminution), les nombres de passages hors-saison semblent, au contraire, stables. Les évolutions analysées ci-après seront donc interprétées à l’aune des évolutions du marché des fruits d’été (cerises, pêches, abricots, petits fruits pour l’essentiel).

Figure 43: Fréquentation mensuelle du marché de Pont-de-l'Isère (2001-2007) LesFigures 43, 44 et 45 sont toutes réalisées suite au traitement des chiffres de la fréquentation mensuelle, enregistrés dans les Régies du Marché aux Fruits de Pont-de-l’Isère des années 2001 à 2007, que les responsables du marché ont bien voulu nous confier.

L’activité est encore importante si l’on considère le nombre de professionnels et les volumes concernés. Le nombre d’usagers réguliers (vendeurs + acheteurs abonnés), s’élève à 1 240 professionnels au 1er janvier 2005, 1 279 au 1er janvier 2006 et 1 334 au 1er janvier 2007. La totalité de la fréquentation annuelle représente 43 482 entrées pour l’année 2006.

Les enregistrements de la fréquentation permettent également d’évaluer les volumes échangés annuellement. L’observation des véhicules et les enquêtes conduisent à estimer que 300 kg de fruits sont vendus par producteur et par jour de marché373. Pour l’année 2006, 32 500 entrées de vendeurs (abonnés et occasionnels) ont été enregistrées. Le volume total de transaction s’élèverait donc à 9 750 t. de fruits par an. Cela représente un tonnage important comparativement aux 3 700 t. cumulées sur les huit marchés de production existants en 1970. Le déclin de ces lieux de mise en marché concerne donc davantage le nombre de marchés existants et le nombre de professionnels les fréquentant, que les volumes qui y sont échangés.

Une diminution globale de la fréquentation est d’ailleurs visible sur la période étudiée. Le nombre de passages annuel passe de 54 829 en 2001 à 43 482 en 2006, ce qui représente une baisse de 20,7% de la fréquentation. L’année 2003 marque une baisse sensible de la fréquentation des vendeurs, ce qui s’explique par le gel de cette année qui a détruit une partie importante des récoltes locales : les producteurs n’ayant que peu de production à vendre, sont moins souvent venus sur le marché.

De manière plus détaillée, on constate une forte différence d’évolution du nombre de passages des acheteurs et des vendeurs (Figure 44). De fait, si la fréquentation des acheteurs diminue très faiblement entre 2001 et 2006 (- 6,9%), celle des vendeurs chute de -24,4% durant cette période. Pour chacune des deux catégories de professionnels, acheteurs et vendeurs, on constate enfin une évolution différenciée entre la fréquentation des usagers réguliers (abonnés) du marché, qui diminue toujours plus que celle des usagers occasionnels, qui tend même à augmenter durant ces dernières années (Figure 45).

Figure 44: Evolution annuelle de la fréquentation du marché de Pont-de-l'Isère (2001-2006)
Figure 45: Fréquentation annuelle du marché de Pont-de-l'Isère par type d'usager (2001-2006)

Pour ce qui concerne les acheteurs, on observe une très faible augmentation de la fréquentation des acheteurs occasionnels entre 2003 et 2006 (de 4822 passages à 5583, qui est presque le niveau atteint en 2001), ce qui atténue l’effet de la diminution des acheteurs abonnés pour donner une évolution globale de la fréquentation des acheteurs relativement stable sur les 3 dernières années. Deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette évolution. Soit il y a désabonnement des acheteurs, qui viennent moins souvent à Pont de l’Isère car ils y trouvent moins d’offre, ce qui fait que la diminution des acheteurs réguliers pourrait se retrouver « basculée » sur la catégorie des acheteurs occasionnels, sans grand changement dans la structure de la fréquentation. Soit, il y a une évolution dans le type d’acheteurs. Les acheteurs réguliers sont plutôt des professionnels importants, et leur diminution serait le reflet de la diminution de nombre de grossistes importants de ce marché. En revanche, l’augmentation des acheteurs occasionnels serait le fait de l’augmentation de petits revendeurs, détaillants ou semi-grossistes, qui viennent de manière moins régulière ou qui préfèrent rester anonymes. Il semble que cette seconde explication soit la plus plausible. En effet, selon le policier, s’il n’y a pas vraiment de profils différents entre les acheteurs abonnés et les occasionnels, il constate néanmoins que les acheteurs habitués, qui viennent à l’année, les plus professionnels, sont abonnés. Et ce type d’usager tend à diminuer (arrêt d’activité surtout, ou travail en direct avec les producteurs). Les nouveaux usagers, surtout des détaillants et revendeurs régionaux, s’abonnent plus difficilement, d’une part parce qu’ils craignent un peu d’être « fichés », d’autre part et surtout, parce que l’information sur l’abonnement est mal communiquée, et il faut bien connaître le fonctionnement du marché pour le savoir. Il n’y a donc pas de basculement des usagers qui se désabonnent pour venir en occasionnel. Cette évolution indique ainsi qu’il y a un renouvellement des acheteurs habituels par de nouveaux détaillants et petits grossistes non habitués du marché.

Pour ce qui concerne les vendeurs, la diminution globale de la fréquentation est régulière d’année en année, mis à part le creux exceptionnel de 2003, imputable au gel de cette année. Les deux catégories de vendeurs, réguliers et occasionnels, diminuent à peu près au même rythme, depuis 2001. On peut penser que cette forte diminution est liée aux efforts d’élimination des vendeurs particuliers374, et que les producteurs vendeurs professionnels ont, en proportion, moins diminué. En outre, les derniers chiffres des années 2006 et 2007 montrent un ralentissement de la décroissance de la fréquentation des vendeurs (abonnés ou occasionnels), ce qui peut laisser supposer qu’une grosse vague de particuliers ayant été écartée, l’évolution se stabilise. En définitive, et le policier nous l’a confirmé, la baisse de la fréquentation des vendeurs réguliers serait liée à une diminution des « habitués » du marché (évolution classique des départs à la retraite, vieillissement, arrêt de l’activité). Il y a par ailleurs un retour sur le marché de producteurs non habitués à ce mode de commercialisation, poussés par la baisse des prix obtenus dans les circuits d’expédition375 ou par des aléas climatiques et sanitaires, qui cherchent de nouveaux marchés pour mieux valoriser leurs produits. Cette hypothèse va dans le sens des enquêtes réalisées sur le marché de Pont-de-l’Isère et sur les stands de vente directe des bords de route.

Ainsi, si l’évolution de la fréquentation des vendeurs est délicate à interpréter, le renouvellement des acheteurs traditionnels par de nouveaux détaillants et petits grossistes régionaux semble confirmé par les chiffres de la Régie. Pour quelles raisons viennent-ils à Pont-de-l’Isère ?

Notes
371.

L’enregistrement automatisé des entrées n’a été possible qu’avec la modernisation des infrastructures réalisée en 1999/2000, aussi, il n’existe pas d’autres chiffres de la fréquentation antérieure à cette date.

372.

LesFigures 43, 44 et 45 sont toutes réalisées suite au traitement des chiffres de la fréquentation mensuelle, enregistrés dans les Régies du Marché aux Fruits de Pont-de-l’Isère des années 2001 à 2007, que les responsables du marché ont bien voulu nous confier.

373.

Les volumes peuvent être plus importants en pleine saison (plutôt de l’ordre de 400 kg), mais sont moindres durant l’automne et l’hiver, d’où une estimation pondérée à 300 kg.

374.

Liée à l’exigence de l’immatriculation à la MSA, instaurée en 2003 avec la nouvelle réglementation du marché.

375.

Néanmoins, sachant que l’année 2006 a été plutôt favorable en termes de prix (fraises, pêches, abricots), alors que l’année 2007 a été plutôt mauvaise (fraises, cerises, pêches), il ne semble pas que les fluctuations annuelles de prix aient une grosse incidence sur l’évolution de la fréquentation.