a) Evolution des producteurs-vendeurs : offre d’une production diversifiée venant d’exploitations moyennes, de tout le bassin

Lors de leur création, les marchés drainaient essentiellement les producteurs locaux, de la commune même du marché et des limitrophes. Pour Chanas comme pour Pont-de-l’Isère, la pêche a longtemps été le produit phare, exclusif même pour Chanas entre 1960 et 1975. Les producteurs pouvaient vendre une part importante de leurs productions sur les marchés, en en combinant plusieurs dans la même journée et en vendant parfois un peu directement à des expéditeurs : « Moi j’ai eu fait le matin : 5h et demi Tournon, 6h Mauves, 7h Tain… » [producteur retraité]. Mais l’augmentation de la taille des exploitations et des volumes de production a conduit les producteurs à se tourner vers des modes de commercialisation leur permettant d’écouler des volumes importants en peu de temps de travail : soit par la coopération ou l’engagement suivi avec un expéditeur privé, soit par le développement de station d’expédition sur les exploitations. Finalement, la population des producteurs vendeurs sur les marchés, tout en diminuant, s’est complètement modifiée depuis vingt ans.

L’évolution est la plus visible à Pont-de-l’Isère, marché ayant encore une importance certaine, alors qu’à Chanas le renouvellement semble plus difficile. De fait, sur ce marché, le président de l’association ainsi que le « peseur » nous confirment que la moyenne d’âge des vendeurs est assez élevée. Ce sont majoritairement des producteurs dont la taille de l’exploitation est petite à moyenne (moins de 10 ha de vergers). La relève se fait très peu car lorsque ces producteurs cessent leur activité, les exploitations sont généralement regroupées à d’autres (augmentation de la surface moyenne par exploitation), et le repreneur est obligé de développer d’autres modes de commercialisation. Finalement, les vendeurs sont soit des producteurs plutôt âgés, avec des exploitations pas trop grandes et habitués à vendre sur le marché depuis des années (majorité) ; soit des personnes retraitées ou non agriculteurs, possédant néanmoins des propriétés familiales dont ils viennent vendre les fruits (surtout vrai pour les cerises).

Si Pont-de-l’Isère subit le même phénomène, on constate également un renouvellement du type de producteur-vendeur. Le rayon d’achalandise a augmenté, les vendeurs viennent de plus loin que les communes voisines, et les produits vendus se sont diversifiés. L’offre est composée en haute saison de cerises, abricots, pêches, pommes, poires, légumes de saison ; et en basse saison de châtaignes, pommes, poires, noix et légumes de saison. Les producteurs viennent essentiellement du bassin de la Moyenne Vallée du Rhône : 90% des vendeurs réguliers sont de la Drôme (76%) ou de l’Ardèche (14%) (Villard et al., 2003). Ils proviennent surtout de petites exploitations familiales, pas suffisamment structurées pour organiser leur commercialisation en dehors du marché, et assez importantes cependant pour avoir besoin de celui-ci378. On distingue les producteurs de la région de Pont-de-l’Isère, Tain l’Hermitage et de la rive ardéchoise qui vendent surtout des abricots et encore quelques pêches, dont les exploitations sont de type abricots-vigne AOC. Les producteurs du plateau ardéchois, autour notamment de Vernoux, qui vendent surtout des petits fruits rouges et des châtaignes. Les légumes sont beaucoup apportés par des producteurs situés sur les marges occidentales du Vercors, dans les Monts du Mâtins (choux-fleurs…). Enfin, les 10% de producteurs-vendeurs restant correspondent à des producteurs de tomates, salades et melons du Comtat qui viennent vendre ici lorsque les cours descendent trop sur leurs marchés, ainsi qu’à quelques producteurs venant de la Loire et de l’Isère, proches de la frontière départementale de Chanas. Les lots vendus sont de taille moyenne, en général moins d’une palette, autour de 200 à 400 kg pour les fruits comme les pêches, abricots, pommes ou poires.

Cette offre est complétée par des produits de négoce proposés par des revendeurs, huit grossistes venus du Midi (Bouches-du-Rhône, Vaucluse), identifiés dans une zone spécifique du marché. Ils revendent des marchandises achetées à Châteaurenard ou Carpentras. Ce sont des produits qui n’entrent pas en concurrence avec la production locale soit parce qu’en décalage de maturité (cerises, pêches, abricots d’Espagne ou du Sud), soit parce que spécifique (bananes, agrumes…). Ce complément à la fois de gamme et de contre-saison joue un rôle dans le maintien de la fréquentation des acheteurs, sans concurrencer les producteurs. Ils achètent également aux producteurs locaux pour revendre ensuite sur d’autres marchés en décalage (Villard et al., 2003).

Ainsi, le marché tire avantage à rassembler une offre diversifiée issue de la grande diversité des productions du bassin de production. En cela, il constitue un réel lieu d’ajustement commercial offrant des avantages spécifiques aux producteurs locaux.

Notes
378.

Ce résultat, issu d’un travail d’enquête réalisé par des étudiants en 2003 à la demande de la municipalité de Pont-de-l’Isère (Villard et al., 2003), n’est pas davantage précisé malheureusement.