b) Attentes spécifiques des consommateurs régionaux : intérêt pour le producteur par défaut d’information sur la provenance

Deux séries d’enquêtes ont été menées auprès des consommateurs de l’agglomération lyonnaise et des espaces ruraux environnants. Elles montrent que ces personnes ont une connaissance diffuse, imprécise, des territoires fruitiers régionaux qui est liée à la proximité géographique. Mais cette connaissance n’est pas mobilisée comme critère d’achat, à cause du manque d’information sur la provenance des fruits sur les étalages.

La première enquête a été menée en 2005/2006 auprès de 48 personnes habitant dans trois types d’espace de la région : dans Lyon, en espace rural arboricole (Monts du Lyonnais), en espace rural non arboricole (Région de Vienne) (Chazoule et Praly, 2006). L’objectif était d’appréhender leurs pratiques d’achat et de consommation fruitière ainsi que leurs représentations concernant le lien entre les fruits et la notion de terroir. Les résultats montrent que lorsqu'on demande aux consommateurs de citer des territoires fruitiers de la région, la plupart des interviewés évoque les territoires producteurs les plus connus et y associent des productions réputées comme la noix de Grenoble, l'abricot et les marrons de l’Ardèche, les pêches de la Drôme391. Cette connaissance leur vient du fait qu'ils se sont souvent rendus sur place, que ce soit en Drôme, Rhône, Ardèche ou Isère, pour différentes raisons (lieu de passage, lieu de tourisme, lieu de travail…). Néanmoins, l’origine géographique des fruits ne constitue pas un critère de choix lors de l’achat, ce qui est principalement expliqué par le manque d’information sur les étalages. Les critères d’achat cités sont d’abord l’aspect visuel, puis le prix et le goût. Ainsi, il se dégage de cette enquête un intérêt général des consommateurs pour les fruits locaux ou de la région, cependant la plupart d'entre eux s’est plaint de ne pouvoir les identifier sur le marché, sauf sur les marchés de plein vent où les producteurs viennent eux même vendre leurs fruits.

En conséquence, la seconde enquête menée en 2006/07 a été orientée vers 49 consommateurs lyonnais achetant dans les lieux de distribution de l’agglomération susceptibles de vendre des fruits locaux et régionaux392. L’objectif était cette fois de cerner les motivations des consommateurs à venir chercher des fruits sur ces circuits de proximité. Les résultats montrent qu’il existe une demande particulière pour les fruits locaux et régionaux, notamment parce que la fraîcheur, liée à la maturité, constitue une part importante de la qualité recherchée pour ces produits.

En effet, le premier résultat est que les consommateurs qui vont dans ce type de magasin ne le font pas par hasard, mais que c’est au contraire un acte motivé. Les motivations conduisant à l’achat de fruits locaux sont les suivantes. D’abord, la fraîcheur, liée au faible délai de transport permis par la proximité géographique, est un critère très largement cité dans tous les types de commerce. La seconde grande motivation est liée à la provenance locale, qui se traduit par le contact direct avec le producteur lorsque cela est possible ou par une attention particulière accordée à la provenance. Cette proximité avec le producteur et/ou la production rassure sur la qualité du fruit, est gage de confiance, de nombreux consommateurs associant la représentation d’un fruit meilleur, plus sain et plus naturel, à la provenance locale.

Ensuite, de manière plus transversale, on peut identifier ce qu’attendent les consommateurs de ces lieux d’achat :

  • des fruits qui ont du goût : les notions de plaisir, de sucré, de juteux, de maturité sont largement évoquées ;
  • la naturalité : l’idée que les fruits sont moins traités, ont été peu stockés au frigo, sont plus sains est spontanément associée à celle d’achat direct au producteur ;
  • le besoin d’information pour aider à l’achat et à la consommation des fruits, et de confiance envers cette information. On retrouve ce besoin même chez les consommateurs du détaillant revendeur, qui apprécient la compétence et la disponibilité des vendeurs.
  • la praticité : les lieux d’achats enquêtés permettent de regrouper l’offre, donc de regrouper les courses de fruits et légumes et parfois d’autres produits frais (sur les marchés, dans le PVC). La question de la mobilité, de l’accessibilité est évoquée par les consommateurs qui disent privilégier un lieu parce qu’il se trouve à proximité de leur lieu d’habitation ou de travail.

Ainsi, l’achat de fruits locaux apparaît motivé par un ensemble d’attentes, plus ou moins objectives, sous-tendues par la notion de proximité entre la production et le consommateur. Ces attentes sont avant tout la fraîcheur, permise par le faible délai de transport, mais également la notion de naturalité, de produits plus sains, moins traités. La confiance quant à la qualité des fruits que l’on va acheter est également une dimension importante pour ces produits si variables, dont on peut facilement être déçu. Il semble que ce soit bien cette qualité spécifique d’une offre de proximité, non présente dans les autres magasins, qui soit recherchée à travers l’achat sur les circuits de proximité.

De fait, par défaut d’information sur la provenance des fruits dans les magasins généralistes, les consommateurs cherchant des fruits locaux s’orientent vers les circuits de distribution permettant de les trouver. Et ces circuits sont soit les distributeurs spécialisés en produits frais, assurant une qualité et une information suffisante, soit les circuits faisant un lien avec le producteur : les marchés de producteurs et magasins de producteurs. Les marchés sont enfin un circuit mixte, où les fruits et légumes occupent une large place et où l’on trouve également des producteurs.

Enfin, une étude menée lors de la campagne où devait être lancé l’identifiant Rhône-Alpes pour les fruits confirme ces résultats. Interrogés sur ce qu’ils attendraient de fruits portant cet identifiant, les consommateurs393 déclarent unanimement qu’en voyant une provenance régionale, ils s’attendent à trouver une fraîcheur et une qualité gustative supplémentaire des fruits identifiés. Ils supposent que la proximité des bassins fruitiers pourrait permettre une meilleure maturation des fruits et la diminution du temps de transport. Ces deux éléments réunis seraient pour eux le gage d’une « préservation voire une augmentation de la qualité du fruit ». En effet : « je pense que ces produits sont ramassés mûrs car ils sont produits en Rhône-Alpes. » (Ponchon et Morliere, 2006). Les interviewés déclarent être prêts à payer un peu plus cher des fruits portant l’identifiant Rhône-Alpes s’ils trouvent cette qualité supérieure.

Il y a donc bien une demande spécifique pour les circuits de proximité. En achetant sur ces circuits, les consommateurs cherchent une qualité de fruits différente de celle trouvée dans les magasins généralistes : plus frais, meilleur goût, moins de déception quant à la qualité. Les circuits offrant un lien avec le producteur, même s’il n’est pas garanti comme sur les marchés, sont ceux qui apportent le plus de confiance quant à cette qualité recherchée.

Au sein de la Moyenne Vallée du Rhône, au cœur de l’espace de production, l’accès direct aux producteurs parait plus facile que pour les habitants de l’agglomération lyonnaise. Les pratiques de consommation sur les circuits de proximité semblent donc être plus importantes.

Notes
391.

En revanche, les signes de qualité existant aujourd’hui comme l’AOC Noix de Grenoble sont très méconnus.

392.

Les consommateurs ont été rencontrés sur leurs lieux d’achat, où un rendez-vous a été pris pour la réalisation à domicile d’un entretien semi-directif. Ainsi, ont pu être interviewées : 9 consommateurs d’un marché, 16 consommateurs d’un marché de producteurs, 8 consommateurs d’un Point de Vente Collectif (Uniferme) et 16 consommateurs d’un détaillant spécialisé (Cerise et Potiron).

393.

Au total, 15 personnes ont été interrogées sur leur lieu de course, elles ont été suivies lors de leurs actes d’achat qu’elles devaient commenter, afin de saisir leurs critères de choix sans les influencer par nos questions. Ensuite, 14 autres personnes ont été interviewées à domicile, de manière semi-directive, en présence des affiches et logo de l’identifiant Rhône-Alpes.