b) Des soutiens traduisant une arboriculture désirée autre que celle du modèle d’expédition

Les cas du Pays Drôme des Collines421 et de la communauté de communes du Val de Drôme sont deux exemples de collectivités qui ont intégré leurs soutiens à l’arboriculture dans un projet global de territoire, investissant celle-ci de valeurs et fonctions autres que la seule fonction de production-expédition.

L’objectif central du premier CGD porté par le Syndicat Mixte Drôme des Collines, portant sur 1998-2003, était le développement de l’économie et du tourisme sur le territoire. Dans ce cadre, l’agriculture était considérée comme une activité économique à soutenir et des liens étaient faits avec le tourisme. Trois entrées permettaient de soutenir l’arboriculture : un axe « diversification et agritourisme », un axe « emploi agricole » et un axe « fruits et territoire ». Concrètement, pour l’axe « diversification et agritourisme », des aides ont été accordées à l’aménagement des abords de ferme (réalisation de parking, embellissement), à la mise aux normes de banques réfrigérées, ainsi qu’au lancement de l’opération « De ferme en ferme » qui a permis de faire connaître de nombreux producteurs vendant en direct. Seuls quelques arboriculteurs vendant en direct en ont bénéficié. L’axe « fruits et territoire » a financé une étude établissant un diagnostic des contraintes et des opportunités de développement pour l’arboriculture de la Drôme des Collines (Deplace, 2003). Ainsi, le premier projet de territoire abordait donc l’arboriculture d’une part partiellement par la vente directe, mais surtout par une approche globale à l’échelle du territoire. L’étude prospective, conduite par la MFR d’Anneyron, a d’ailleurs donné lieu à un projet de constitution d’un Pôle de Ressource Fruits, toujours porté par la MFR d’Anneyron. En revanche, le renouvellement du projet territorial, formalisé dans le CDPRA 2005-2010 réduit la focale en axant le projet agricole sur le développement de l’agriculture biologique. Par ce biais, des soutiens ont été apportés à la mise en place de cinq AMAP sur le territoire du Pays, et un projet est en cours pour favoriser l’approvisionnement local, et si possible bio, dans les restaurants scolaires. Or, l’arboriculture biologique pose encore de nombreux problèmes techniques. Ainsi, concrètement, si les AMAP ne touchent que très peu les arboriculteurs, le projet d’approvisionnement local peut en revanche être une opportunité pour la production fruitière locale. En définitive, si l’arboriculture apparaissait bien être une activité économique à soutenir, pour elle-même ou par une entrée agritourisme, pour le territoire Drôme des Collines dans le CGD 1998-2003, en revanche, dans le CDPRA 2005-2010 elle est complètement diluée dans un projet d’agriculture biologique.

Le territoire du Val de Drôme422 présente la particularité d’être la plus ancienne intercommunalité drômoise, dont l’agriculture a toujours constitué un axe fort. En effet, dès la création du Syndicat d’Etudes et de Programmation du Val de Drôme en 1976 (aujourd’hui devenu communauté de communes du Val de Drôme, CCVD), l’agriculture et la collecte des ordures ménagères en sont les deux projets. Les moyens humains mis à disposition de l’agriculture en témoignent : le premier chargé de mission agriculture a été embauché presque immédiatement, un second fut recruté dans les années 1980, et aujourd’hui, l’effectif oscille entre 2 et 3 temps plein423. Pour l’agriculture, l’axe de travail a toujours été le soutien des productions de qualité, dans un contexte où les « petites productions d’arrière pays » peinaient à se développer, au contraire des « grosses filières en développement » (fruits, élevage hors-sol, viticulture) soutenues par la Chambre d’agriculture. Plusieurs projets ont concerné l’arboriculture. Des Journées du Fruits ont été organisées deux années, visant à faire venir des professionnels de l’industrie agroalimentaire du fruit sur le territoire pour nouer des liens avec la production, mais faute de retombées positives, ce projet a été abandonné. La fête du fruit, dont Tain-l’Hermitage ne voulait plus avoir la charge, a été organisée à Loriol en 2002 et en 2003 et soutenue par la CCVD, puis a été abandonnée. Si ces « évènements » témoignent d’une volonté de relance de l’arboriculture, le projet « poire de Loriol » est plus explicite de l’approche de la CCVD vis-à-vis de l’arboriculture.

Dans la fin des années 1980, l’idée était de relancer la poire williams, culture historique de Loriol en déprise face à l’engouement pour la pêche. Dès 1993, une étude préliminaire est commanditée, dont les résultats sont formalisés en propositions d’action. Dans cette étude, les notions de terroir, de savoir-faire spécifique, de valorisation et de communication sont présentes. Dans le CGD 1995-200, l’action est en définitive dénommée « Développer et promouvoir les filières et les produits locaux de qualité », dont, pour la poire Williams : « Revaloriser la filière poire et d’autres productions arboricoles en diversifiant le verger, en développant la promotion de produits labellisés, en encourageant les pratiques de lutte intégrée. » (p. 27). En outre, une autre action de ce même CGD porte sur la promotion de la commercialisation des produits agricoles du Val de Drôme (soutien aux circuits courts, mise en place de communication). Elle a abouti à la publication d’un « annuaire des producteurs du Val de Drôme et du Pays de Dieulefit », qui recense les quatre arboriculteurs du territoire pratiquant la vente directe.

En définitive, l’orientation des soutiens pour une production arboricole de qualité localisée, pratiquant la vente directe, implicitement appelée à être différente de celle du modèle de développement dominant appelé industriel, est ici explicite. Mais, à l’exception d’aide à la plantation de deux vergers de poires Williams, aucune suite n’a été donnée au projet poire de la part des professionnels.

Ainsi, on trouve encore le fonctionnement type « co-gestion » traditionnel de la profession agricole, où des acteurs issus du milieu arboricole s’investissent dans les collectivités territoriales et permettent l’obtention de soutiens financiers à la production et la protection du foncier pour l’arboriculture existante, sans intervention sur le mode de production. En revanche, d’autres collectivités se positionnent davantage dans une perspective de projet, voir de prescripteur, soutenant une arboriculture correspondant aux attentes des acteurs des collectivités : une arboriculture porteuse de valeurs identitaires, de notions de terroir et de qualité, de respect de l’environnement et d’attractivité locale par l’offre de vente directe et d’accueil à la ferme.

Notes
421.

Sources concernant ce territoire administratif : Charte du CDPRA 2005-2010, entretien avec la chargée de mission agriculture-environnement (juin 2006), entretien avec le directeur du Pays (décembre 2008), et rencontres régulières avec la chargée de mission tourisme lors d’évènements sur le territoire (juin 2007, juin 2008, septembre 2008).

422.

Sources concernant ce territoire administratif : charte du CGD 1995-2000, entretien avec les deux chargés de mission agriculture (juin 2006), carton d’archives concernant les rapports d’étude et actions menés sur l’arboriculture, entretien avec l’adjoint au maire de Loriol responsable de la commission agricole de la commune (mars 2005).

423.

Pour comparaison : les communautés de communes du Diois et du Pays de Dieulefit disposent chacune d’un chargé de mission agriculture ; la communauté de communes du Pays de Romans dispose d’un chargé de mission agriculture-environnement ; la communauté de communes de Bourg-de-Péage dispose d’un chargé de mission Aménagement (qui travaille sur la filière bois/forêt mais presque pas sur l’agriculture) ; la communauté de communes de Rhône-Valloire dispose d’un chargé de mission à mi-temps agriculture-environnement depuis 2005.