b) Les arboriculteurs les plus avertis : responsables municipaux et responsables professionnels

Les arboriculteurs les mieux informés quant aux compétences et soutiens possibles de la part des collectivités territoriales sont ceux qui exercent des responsabilités professionnelles agricoles, plus encore que ceux engagés dans la vie municipale de leurs territoires.

Pour les arboriculteurs ayant des responsabilités municipales, il est en effet éloquent d’observer que deux d’entre eux ne voient pas en quoi les collectivités territoriales peuvent soutenir l’arboriculture. Même sur le territoire de la CCVD, où des projets ont été formulés, cet arboriculteur qui a été conseiller municipal déclare : «  Mais la municipalité, qu’est-ce qu’elle peut faire pour les agriculteurs ? Peu de chose… » 431 . Il ne cite pas l’intercommunalité. Pour les autres, les soutiens sont uniquement perçus à travers des possibilités de financements, de lobbying ou de protection du foncier agricole. En outre, les échelons mentionnés ne vont guère au-delà de l’intercommunalité. Ainsi ici, trois des arboriculteurs engagés dans des responsabilités municipales ne font pas le lien avec des projets pour l’arboriculture. Ils y sont donc uniquement dans une visée municipale, c’est-à-dire d’administration de la vie locale. Un seulement exprime son engagement dans la perspective de défendre l’arboriculture : « Aujourd’hui, je me considère comme militant de base. Je défends l’agriculture à ma façon, en étant conseiller municipal, en étant dans une communauté de communes, en participant au CIVAM… ». Cette perception de l’engagement dans les collectivités territoriales est certainement à relier au fait que cet arboriculteur fut, auparavant, élu à la Chambre d’agriculture.

En effet, les arboriculteurs ayant des responsabilités agricoles se distinguent nettement dans le tableau. D’abord, leur perception des collectivités territoriales reste majoritairement celle d’une source de financement et de lieu de lobbying, intégrant tous les échelons existants de la commune à la Région. Certains évoquent même le député et les différents élus invités lors des réunions professionnelles. On retrouve bien là la pratique traditionnelle des syndicats agricoles, qui consiste à communiquer auprès des hommes politiques afin d’obtenir leur soutien. Mais la prise en compte des échelons territoriaux, et non plus seulement du Ministère, semble réellement nouvelle : « Ben surtout, quand on a un problème on fait remonter au niveau des territoires, de la Région, des Communautés de communes et tout. Chose qu’on faisait pas avant. On leur dit « voilà… » parce que c’est un bassin d’emplois aussi l’agriculture, donc on leur dit « voilà, on diminue parce qu’on a ça et ça, et si vous pouvez nous aider, nous soutenir et tout… », comme ça même le député du coin, tout le monde a fait des trucs. Tout le monde est au courant de ce qu’il se passe. Y compris les populations d’ailleurs, on a pas les mêmes rapports qu’avec les élus, mais ils savent très bien qu’en ce moment on a du mal à produire » 432 .

En second lieu, pour cinq des arboriculteurs ayant des responsabilités professionnelles, la logique projet des collectivités territoriales est désormais perçue. Ils citent des projets relatifs à la communication, à la gestion du foncier, à la capacité de proposition qu’ont certaines collectivités. A ce titre, le travail d’animation réalisé depuis près de 30 ans par le chargé de mission de la CCVD est cité à deux reprises, par un arboriculteur ayant des responsabilités agricoles et par un n’en ayant pas. L’explication qui en est donnée spontanément par l’arboriculteur exerçant des responsabilités professionnelles montre une grande compréhension de sa part des apports potentiels de cet acteur institutionnel : « Au DAVD 433 aussi on a des bonnes relations. Le district du Val de Drôme. Ils ont souvent des projets agricoles, ils ont une personne qui s’occupe spécialement de l’agriculture au DAVD…un monsieur… Et là-dessus il y a des projets qui sont intéressants aussi, des démarches intéressantes. Après, c’est à chaque entreprise de savoir où est-ce qu’elle va adhérer, les projets de développement auxquels elle va adhérer. Toutes les idées ne sont pas bonnes pour toutes les entreprises quoi. Mais je crois que l’essentiel c’est de créer un peu de dynamique quoi. » Pour lui, les collectivités territoriales pourraient être des « instances de propositions de projets diversifiés » où chacun pourrait en trouver un qui lui correspond434. Il a conscience des opportunités ouvertes par ces institutions territoriales, replacées dans un ensemble d’autres projets possibles portés par des acteurs différents (notamment par les OPA). Ainsi dans cette approche les institutions territoriales sont perçues comme un nouvel acteur du développement agricole, renouvelant le modèle de développement arboricole en proposant des perspectives autres que celles des organisations sectorielles. Cet exemple est un des rares à montrer une si grande compréhension du rôle des chargés de mission.

En définitive, la majorité des producteurs ne connaît pas bien les nouvelles collectivités territoriales. Ils ignorent les compétences et soutiens potentiels qu’elles pourraient apporter à l’arboriculture. L’information à ce sujet semble passer par les canaux des organisations professionnelles, guidées par l’habitude de relations de lobbying auprès des différentes instances politiques, et non par les canaux de l’engagement municipal. En effet, les producteurs ayant seulement des responsabilités municipales font peu le lien avec une possibilité d’y soutenir l’arboriculture autre que par la gestion du foncier ou par quelques aides financières. En revanche, les responsables professionnels sont conscients de la ressource financière et d’animation offerte par les collectivités territoriales, mais leur connaissance des procédures reste souvent insuffisante, et certains d’entre eux sont même méfiants vis-à-vis de ces projets.

Notes
431.

Enquête personnelle, mai 2006.

432.

Producteur ayant des responsabilités agricoles, enquête mai 2006.

433.

District d’Aménagement du Val de Drôme. Statut précédent celui de Communauté de communes du Val de Drôme.

434.

Sachant que cet arboriculteur déclare que pour l’instant les projets proposés par la CCVD ne sont pas adaptés à son type d’exploitation.