a) Manque de connaissances en « ingénierie territoriale » de la part des responsables professionnels

S’il est clair pour les responsables agricoles que les collectivités territoriales seront leurs prochains partenaires, le manque de connaissance de leurs procédures freine leur implication autant que leur enthousiasme. L’exemple de deux d’entre eux ayant participé aux réflexions lors de l’élaboration du CDRA Valence- Drôme-Ardèche-Centre montre leur posture très en retrait vis-à-vis d’un processus perçu comme extérieur à eux-mêmes. Plusieurs éléments d’explication émergent de l’analyse de leurs entretiens.

D’abord, la longueur et la complexité du processus d’élaboration du projet de territoire le rendent, sinon abstrait, du moins difficilement saisissable pour les acteurs arboricoles. L’ouverture territoriale du projet met en présence l’arboriculteur face à d’autres types d’acteurs, issus d’autres secteurs économiques, parfois considérés comme plus importants que l’arboriculture. Le dialogue parait alors difficile à établir, comme le montre ce producteur qui évoque les réunions de concertation préalable au CDRA Valence-Drôme-Ardèche Centre : « j’y suis allé en tant que représentant du syndicat de défense de la châtaigne d’Ardèche, pour dire un peu nos besoins… mais c’est pas évident parce que tout le monde cherche à tirer la couverture à soi et nous on est petits… ». [Arboriculteur, membre du syndicat de défense de la châtaigne d’Ardèche, avril 2006].

L’appropriation de ce nouveau cadre d’action est rendue d’autant plus difficile que le rythme de renouvellement des procédures436 parait peu cohérent avec le temps long dans lequel se forgent la confiance et l’apprentissage nécessaires à tout construit collectif. En outre, chaque nouvelle procédure entraîne souvent des remaniements des périmètres et/ou des statuts des intercommunalités, dans lesquels s’expriment parfois davantage des logiques politiciennes ou fonctionnelles que des constructions territoriales cohérentes, ce qui distancient d’autant les arboriculteurs locaux de ces projets. L’exemple de la délimitation du CDRA Valence-Drôme-Ardèche Centre en témoigne : « Ben je pense que ça a été plus ou moins imposé… je sais pas. Je pense pas que ce soit les Ardéchois qui aient demandé à inclure… et ni même les gens de Chabeuil qui aient voulu être rattachés au pôle de Valence » 437 .

Les procédures d’élaboration des projets des collectivités territoriales et la manière dont ils peuvent influer sur l’arboriculture étant peu ou mal connues par les acteurs du monde agricole, leur implication dans la construction des projets est non seulement très limitée, mais ces nouvelles compétences des territoires administratifs peuvent même être perçues comme des menaces plutôt que comme des opportunités.

Notes
436.

Tous les cinq ans pour les contrats de développement Etat-Région types CGD et CDRA.

437.

Arboricultrice, 1ère adjointe d’une commune intégrée au projet, enquête avril 2006.