b) Crainte et manque de reconnaissance exprimées par les arboriculteurs

Les projets des collectivités territoriales, qui édictent souvent un type d’agriculture « désirée », peuvent être considérés par les arboriculteurs comme une condamnation de l’agriculture existante, dite conventionnelle. Certains se détournent alors de ces partenaires potentiels. Dans ce sens, ils évoquent explicitement leur méfiance vis-à-vis de ces nouveaux lieux de pouvoir, qui suscitent leurs craintes dans un contexte de réglementation toujours plus coercitive : « Il faut qu’on se méfie que ces projets là ne se traduisent pas en termes de contraintes uniquement. […] Il faut qu’on soit vigilants là-dessus. » [Arboriculteur, responsable syndical 07].

Non seulement les collectivités territoriales sont craintes dans leur capacité à imposer de nouvelles normes édictées par la société locale, mais en outre, il leur est reproché de ne pas reconnaître les fonctions territoriales fondamentales de l’arboriculture : « Les élus se rendent de moins en moins compte des services que rend l’agriculture. Les agriculteurs sont là depuis des millénaires, ils entretiennent le terrain, et on y fait pas attention. Si, ils vont penser à nous quand il y a des problèmes : de l’ambroisie pendant l’été, etc, ils vont nous faire un courrier pour dire qu’on a oublié de faucher notre terrain. On est pas intéressants car on paye pas de taxe professionnelle. » [Arboriculteur, responsable syndical 07].

Les arboriculteurs attendent des collectivités territoriales une meilleure connaissance de leurs conditions de travail et une reconnaissance de leurs fonctions territoriales, même les plus fondamentales (emploi, activité économique, entretien de l’espace). En retour, ceux-ci ont du mal à entendre les demandes de leurs collectivités territoriales, en particulier en ce qui concerne quelques « sujets qui fâchent », telles les préoccupations environnementales, les nuisances diverses de l’activité sur le territoire.

Les lieux d’élaboration des projets de territoire paraissent encore lointains pour les professionnels. Ce sont des lieux de discussion et les résultats dépendent des compromis qui en résultent, donc des rapports de forces locaux. Dans ceux-ci les arboriculteurs ont du mal à trouver leur place et semblent un peu démunis, ce qui explique les réactions de crainte et de méfiance face à ce qu’ils ne maîtrisent pas, devant des règles du jeu qui leur échappent. Cela traduit également le phénomène constant de diminution de l’emprise agricole dans le milieu rural, où le nombre d’agriculteurs présents dans les conseils municipaux se réduit toujours plus. Pour eux, il s’agit d’apprendre à partager le pouvoir, les décisions, à construire des projets collectifs avec des acteurs aux attentes très différentes les uns des autres, et cette transition n’est pas facile. Elle est rendue d’autant plus difficile à réaliser que les arboriculteurs manquent de connaissances pour s’approprier les dispositifs institutionnels et s’investir dans les démarches de projet, et ont le sentiment que leur rôle n’est pas reconnu par les élus et acteurs territoriaux. Cette appropriation et cet investissement dans la construction territoriale, difficiles à l’échelle des acteurs individuels, sont d’autant plus compliqués qu’ils s’inscrivent dans des jeux de pouvoirs institutionnels.