Des consommateurs demandeurs des qualités permises par les circuits de proximité

Plusieurs « bassins de consommateurs » sensibles à l’achat de fruits sur les circuits de proximité sont mis en évidence479. Leurs attentes et leurs pratiques sont différentes selon l’éloignement entre les consommateurs et l’espace de production.

Pour les habitants des espaces ruraux du cœur du bassin de production, on observe une culture de l’achat de fruits sur les circuits de proximité : vente directe à la ferme, sur les bords de route, sur les marchés forains. Cette pratique revêt une praticité évidente dans des espaces où le producteur ou le marché du village sont plus accessibles que la première grande surface. Les habitants-consommateurs savent pouvoir trouver sur ces circuits une offre non disponible dans la grande distribution : des fruits mûrs, une gamme importante, différentes qualités pour une même espèce (des fruits première et deuxième catégorie, des fruits plus ou moins avancés en maturité, des fruits « déclassés » pour les confitures, etc.), et à prix inférieur sinon égal à celui des grandes surfaces. En outre, la fidélité constatée entre l’habitant-consommateur et le vendeur (producteur ou revendeur de marché) est garante de la confiance de l’acheteur et souvent de convivialité.

Les consommateurs « de passage », touristes estivants ou de week-end, achètent sur les mêmes lieux que les habitants-consommateurs mais sont moins familiers de la diversité des fruits et de leurs qualités. Ils attendent une pédagogie de la part du vendeur : des explications quant au mode de production, une aide au choix parmi la variété proposée, des conseils quant au mode de conservation et de préparation des fruits.

Les consommateurs situés « en marge » du bassin de production, habitant des espaces entourant la Moyenne Vallée du Rhône comme la montagne ardéchoise et drômoise, ainsi que les agglomérations valentinoise et lyonnaise, sont à la fois suffisamment proches pour connaître l’arboriculture locale, mais également assez éloignés pour que l’accès concret à la production soit rendu difficile. Pour eux, l’idée d’acheter des fruits « de proximité » est associée à une attente clairement exprimée de qualité supérieure en termes de maturité et de fraîcheur. En revanche, l’accès à cette offre, ainsi que sa lisibilité, deviennent limitantes pour les consommateurs « en marge ». Que ce soit à Valence, en plein centre du bassin de production, ou à Lyon, ils expriment les mêmes contraintes : la recherche de praticité, de gain de temps pour faire les courses, la méconnaissance de la provenance des fruits. La pratique la plus souvent adoptée pour accéder à des fruits de proximité, ou du moins pour penser y accéder, est l’achat sur le marché forain480. D’autres consommateurs recherchent des fruits de qualité (mûrs et frais) chez les primeurs urbains, plus facilement accessibles, mais dans ce cas, la provenance n’est pas connue.

Enfin, pour les consommateurs éloignés de la Moyenne Vallée du Rhône, l’offre de fruits sur les circuits de proximité concerne des marchés haut de gamme, garantissant à la fois une belle qualité commerciale (catégorie I ou extra) et une bonne qualité gustative (liée au choix des variétés, à la maturité et à la fraîcheur). Pour ces circuits, le choix de l’approvisionnement et l’organisation des livraisons dans un délai minimum sont primordiaux, assurés par des grossistes spécialisés et des détaillants. Ces professionnels communiquent auprès des consommateurs les provenances porteuses de valeurs positives, en particulier l’Ardèche, mais la Drôme est également citée sur les étals de Haute Loire, du Jura ou de Savoie481. Sur ces circuits et pour cette qualité, les consommateurs acceptent de payer les fruits plus chers que ceux des circuits d’expédition.

Ainsi, si au cœur du bassin de production l’achat direct « au producteur » est gage de toutes les garanties, l’indication de provenance (« Ardèche » ou « Drôme ») prend sens lorsque le consommateur en est plus éloigné. L’existence de ces différents bassins de consommateurs, sensibles à l’offre spécifique des circuits de proximité, constitue donc une ressource qui n’est activée que par l’intervention des professionnels de l’aval du bassin de production.

Notes
479.

Sources : connaissances des opérateurs de la filière recueillies dans les enquêtes de 2006 et 2007, enquêtes thématiques auprès de différents bassins de consommateurs en 2005, 2006 et 2007.

480.

L’amalgame entre le marché et l’achat direct au producteur est souvent fait, la plupart des personnes interrogées ne faisant guerre la différence entre producteur et revendeur.

481.

Observation du marché et des primeurs du Puy-en-Velay, 2008 et 2009 ; et déclaration de revendeurs enquêtés en 2007.