Analyser les nouvelles formes de valorisation territoriale en agriculture

Au-delà des questions propres à l’arboriculture de la Moyenne Vallée du Rhône, l’approche menée dans cette recherche contribue aux travaux de la géographie et de l’économie agricoles concernant la qualité et la territorialisation de l’agriculture. Elle propose un cadre d’analyse opératoire pour comprendre les conditions d’émergence de nouvelles formes de valorisation territoriale dans l’agriculture.

Le cadre théorique utilisé, à savoir l’analyse des interrelations entre le bassin de production et l’émergence de ressources territoriales à différents pas de temps et à plusieurs échelles, présente un double intérêt. D’abord, l’association des notions de bassin de production et de ressources territoriales permet d’analyser les interdépendances existantes entre les deux modèles agricoles, celui de la productivité et celui de la qualité territorialisée500, lors de l’émergence d’initiatives de valorisation territoriale au sein d’une filière agricole sectorielle. Il révèle les mécanismes à l’œuvre dans le système existant, ainsi que les interdépendances et les ruptures provoquées par les dynamiques émergentes. Il explique ainsi comment une logique sectorielle peut inhiber des initiatives territoriales ou encore comment les deux s’encastrent et se complètent dans le cas des circuits de proximité. Ensuite, en s’appuyant sur la notion de ressource territoriale issue des liens entre l’agriculture et ses territoires, ce cadre théorique permet d’élargir l’analyse au-delà du cas des produits de terroir. Il ouvre le débat pour les productions non mono-produit, non spécifiques et sans territoire identitaire, ce qui concerne la majorité de la production française. En interrogeant les interactions entre la qualité, les produits, les circuits de commercialisation et les territoires au sein d’un bassin de production existant, il intègre également l’aval de la filière, ce qui est peu fait dans le cas des produits de terroir501.

L’utilisation de ce cadre théorique dans le cas de l’arboriculture de la Moyenne Vallée du Rhône nous permet de préciser la définition de ce que nous appelons une valorisation territoriale, et de décrire le processus de sa construction.

Notes
500.

Si certains, comme Bernard Pecqueur ( 2005) ou Jean Pilleboue (2000), soulignent le fait que cette conception duale n’est qu’une proposition méthodologique pour décrire deux logiques qui co-existent en vérité, aucun ne les analyse ensemble. Julien Frayssignes propose la notion de « pôle AOC » pour définir des bassins laitiers pouvant comporter plusieurs AOC et des filières sectorielles ( 2005). En cela, il entérine et décrit la coexistence des deux logiques au sein des exploitations et des laiteries, mais il n’en analyse pas pour autant les interactions. Il demeure centré sur l’étude des fromages AOC.

501.

La construction de la qualité territorialisée est principalement décrite au stade de la production et de la transformation, à travers les notions de terroir et de savoir-faire.