1.1.1. Le modèle de Kintsch & van Dijk (1978)

1.1.1.1. La base de texte

La construction de la cohérence constitue alors un aspect central du processus de compréhension et serait le résultat d’une capacité des lecteurs à relier entre eux l’ensemble des éléments d’un texte. L'idée selon laquelle les capacités de la mémoire de travail (MDT) sont limitées conduit Kintsch et van Dijk (1978) à proposer que le lecteur traite le texte de façon séquentielle, par cycle de traitement. À chaque cycle, n i propositions sont traitées ensemble et le nombre exact de propositions traitées à chaque cycle varie en fonction des caractéristiques de surface du texte et de celles du lecteur. Deux principes guident alors la création des connexions entre les informations au cours de la lecture : deux propositions sont reliées au sein de la représentation (1) si elles partagent un argument et (2) si elles apparaissent simultanément en mémoire à court terme (MCT) au cours du processus de compréhension.

Le traitement séquentiel de la base de texte implique la construction de connexions entre les propositions de cycles précédents et celles actuellement traitées. Afin de rendre compte de la création de ces connexions, Kintsch et van Dijk décrivent au sein de la MDT, un « buffer »de MCT de taille limitée s. Lorsque les n i propositions d'un cycle ont été traitées, s d'entre elles sont sélectionnées et maintenues au sein de ce « buffer ». Si des chevauchements d'arguments existent entre les s propositions du « buffer » et les nouvelles propositions, ces dernières sont alors considérées comme cohérentes avec les parties antérieures du texte et le traitement continue. À l'inverse, si aucun chevauchement ne se produit, un processus de recherche intervient. Il prend en compte l'ensemble des propositions antérieurement traitées, stockées en mémoire à long terme. Enfin, si la cohérence de la base de texte ne peut toujours pas être établie, un processus d'inférence est déclenché et engendre l'ajout d'une ou plusieurs propositions reliant l'ensemble des entrées aux propositions déjà traitées. Plus le nombre d'étapes nécessaires à la construction de la cohérence est important, plus cette construction requiert de ressources du système. Aussi, la nature du processus de sélection sous-jacent au choix des s propositions à chaque cycle de traitement est cruciale. Selon Kintsch et van Dijk, une bonne stratégie doit sélectionner pour le maintien dans le « buffer » les propositions importantes. Si une sélection doit s'opérer entre deux propositions d'égale importance alors la stratégie doit prendre en considération la récence et donc maintenir la dernière proposition importante traitée. Ces deux principes de hiérarchie des informations en termes de propositions superordonnées et de récence de traitement constituent la base de la stratégie dite « du bord d'attaque » proposée par les auteurs pour la sélection des propositions conservées dans le « buffer » en MCT. Cette stratégie suppose que les propositions en mémoire sont organisées dans un réseau hiérarchisé avec une proposition topique servant de nœud superordonné. Toutes les propositions qui partagent un référent (argument) avec la proposition topique constituent le niveau 2. Les niveaux suivants sont créés en reliant les propositions maintenues à la proposition la plus superordonnée avec laquelle elles partagent un référent. Sur la base de cette hiérarchie des propositions, quatre principes guident la sélection des s propositions maintenues en mémoire à court terme :

La proposition superordonnée est sélectionnée pour être placée en MCT.

La proposition la plus récente de chaque niveau subordonné de la hiérarchie est sélectionnée.

S’il reste de la place en MCT, les propositions du niveau le plus superordonné sont sélectionnées en fonction de leur récence.

Si une proposition sélectionnée contient une autre proposition comme argument, la proposition emboîtée est automatiquement sélectionnée.

Le processus de sélection des propositions cesse dès qu’un nombre s de propositions est sélectionné. Ainsi, la stratégie du bord d’attaque permet la création de connexions entre les unités en cours de traitement et celles du cycle précédent et ce, tout au long de la lecture. De cette manière, le lecteur est capable de construire une représentation textuelle cohérente dans la mesure où l’ensemble des informations d’un texte est relié.