1.3.1.3. Les principes du modèle d’indexage d’événements

Plus récemment, Magliano, Zwaan et Graesser (1999) ont repris les prédictions formulées par Zwaan, Langston & Graesser (1995) et proposent quatre principes fondamentaux dérivés du modèle d’indexage d’événements pour lesquels ils fournissent de solides supports empiriques issus des différents travaux réalisés. Ces principes sont définis par rapport à la continuité situationnelle qui constitue une notion centrale dans le modèle d’indexage d’événements. Le premier principe, relatif aux temps de traitement (i.e., temps de lecture), consiste en une variation de ces temps en fonction des liens situationnels existant entre l’information à traiter et le contexte antérieur. En d’autres termes, plus l’information à traiter partage de liens situationnels avec le contexte antérieur, plus les temps de traitement devraient être courts. Ce principe fait référence non seulement aux résultats obtenus par Zwaan, Magliano et Graesser (1995) qui ont effectivement démontré que les temps de lecture des phrases du récit augmentent dès que le lecteur rencontre des discontinuités, surtout lorsqu’elles concernent les dimensions causale et temporelle, mais également aux travaux de Magliano, Trabasso et Langston (1995). En effet, ces derniers ont révélé l’existence d’une corrélation entre le jugement émis sur la relation entre les phrases d’un récit et le contexte antérieur, et les temps de lecture de ces phrases. Dans une première expérience, les participants devaient juger, lors de la lecture de récits, comment la phrase en cours de traitement s’accorde au contexte antérieur sur une échelle de zéro à six points. Les scores obtenus étaient fonction du nombre d’index situationnels que partageaient la phrase en cours de traitement avec son contexte antérieur. Dans une deuxième expérience, ils ont mesuré les temps de lecture des phrases des mêmes récits, avec d’autres sujets, afin d’évaluer l’impact de la continuité situationnelle sur les temps de compréhension. Les auteurs ont mis en évidence une convergence entre les scores obtenus à la tâche de jugement (expérience 1) et les temps de lecture observés (expérience 2) puisque les temps de lecture diminuaient pour les phrases dont les scores étaient élevés, en fonction des dimensions causale et intentionnelle uniquement. Ainsi, en accord avec le modèle d’indexage d’événements, les participants suivent les multiples dimensions situationnelles lorsqu’ils jugent de l’adéquation de la phrase à traiter avec son contexte antérieur, mais également lors de la lecture de textes. Deux autres principes, découlant du premier et en relation avec la production d’inférences, sont proposés par Magliano, Zwaan et Graesser (1999). Selon ces principes, le lecteur produirait des inférences de connexion lorsque l’information à traiter est continue avec le contexte situationnel antérieur (principe 2) alors qu’il produirait de nouvelles inférences, basées sur ses connaissances, lorsque les liens situationnels communs ne sont pas suffisants (principe 3). Ces deux principes permettent d’expliquer la variation dans les temps de traitement des informations d’un texte: la production d’inférences de connexion est vraisemblablement moins coûteuse sur le plan cognitif que la production de nouvelles inférences basées sur les connaissances du lecteur. Ces principes sont également conformes au modèle théorique proposé par Gernsbacher (1990) selon lequel les phrases qui sont reliées de façon cohérente au contexte antérieur du récit sont intégrées à la représentation mentale existante et sont donc traitées plus rapidement. A l’inverse, la compréhension est plus difficile lorsque les phrases ne sont pas perçues comme reliées de façon cohérente au contexte antérieur: les lecteurs doivent mettre à jour leur représentation afin de résoudre ces cassures, ce qui requiert davantage de temps. Les travaux de Magliano, Trabasso et Graesser (cités dans Magliano, Zwaan & Graesser, 1999) fournissent des éléments empiriques en faveur de ces trois premiers principes. Le principal objectif de ces auteurs était d’étudier l’impact des discontinuités situationnelles sur la production d’inférences. Plus précisément, ils se sont intéressés aux types d’inférences produites par le lecteur en fonction de la continuité situationnelle entre les phrases d’un récit. Le matériel expérimental était composé de récits pour lesquels les auteurs avaient initialement évalué le nombre de discontinuités. Pour chaque phrase, ce nombre pouvait varier de 0 à 4. Les participants lisaient les phrases des récits une par une et devaient rapporter à voix haute leurs pensées dès qu’ils avaient compris la phrase en question. Le recueil et l’analyse des protocoles ont permis de confirmer que la continuité situationnelle détermine le type d’inférences générées. En effet, les discontinuités étaient résolues par la production d’inférences basées sur les connaissances du lecteur (i.e., explicative, associative, prédictive) alors que la continuité relative à la dimension causale donnait lieu à la production d’inférences de connexion et par conséquent se traduisait par des temps de traitement moins longs. Enfin, selon le dernier principe (i.e., principe 4) énoncé par Magliano, Zwaan et Graesser (1999), l’association de deux événements est fonction du nombre d’index situationnels partagés. Ce principe repose sur l’organisation des informations en mémoire à long terme et s’appuie sur les résultats de Zwaan, Langston et Graesser (1995) obtenus à une tâche de groupement de verbes que nous avons présentés plus haut.