1.3.4. Le statut particulier de la dimension spatiale

Étudier la dimension spatiale permet de comprendre la manière dont les sujets appréhendent l’espace, dont ils le mémorisent et s’en créent des représentations. Ces représentations que l’on qualifie de « spatiales » ne concernent pas uniquement les expériences vues par le sujet à un moment donné. Elles peuvent tout aussi bien concerner la manière dont les gens se représentent leurs déplacements ou les conséquences de ceux-ci, ou encore des scènes qui n’ont jamais été directement perçues mais uniquement le fruit d’un processus de représentation. Selon Gernsbacher (1990), la cohérence spatiale réfère à des événements et à des actions qui se produisent dans le même cadre spatial, le même lieu. L’indice le plus probant pour l’établissement de la cohérence est le point de vue du narrateur. C’est le lieu où le narrateur est supposé se trouver (dans le cas où il serait physiquement présent). Si les lecteurs interprètent le point de vue du narrateur comme un indice de cohérence spatiale, alors les phrases reliées de façon cohérente au contexte spatial antérieur du récit devraient être intégrées à la représentation mentale en construction. À l’inverse, lorsque les phrases ne sont pas perçues comme reliées de façon cohérente au point de vue du narrateur, une nouvelle structure devrait être crée. Les lecteurs doivent actualiser leur représentation afin de combler les discontinuités présentes dans la dimension spatiale.

Dans son modèle de Construction de Structures, Gernsbacher (1990) explique que la continuité des informations issues des dimensions de la situation décrite dans le texte est indispensable à la construction d’une représentation mentale cohérente. Cet auteur suggère qu’il y a trois principales dimensions considérées comme sources de cohérence : la cohérence spatiale, la cohérence causale et la cohérence temporelle. Grâce à ces dimensions et dans le but de se construire une représentation multidimensionnelle cohérente, le lecteur peut identifier le cadre spatio-temporel de la situation décrite, les personnages impliqués, les événements et leurs causes. 

Ainsi, l’ensemble des travaux présentés ci-dessus met en évidence l’existence et le rôle de la dimension spatiale dans la construction d’une représentation mentale cohérente. L’objectif de notre recherche est de comprendre la mise en place du processus de suppression à la dimension spatiale, et la réactivation d’informations préalablement mises en retrait. La représentation construite étant fonction des capacités mnésiques des lecteurs, nous avons également étudié le rôle de la mémoire de travail dans ces processus de suppression et de réactivation des informations en mémoire.