2.5. Expérience 4

2.5.1. Hypothèses

Lors de nos précédentes recherches nous avons cherché à mettre en évidence l’intervention du processus d’inhibition et du mécanisme de suppression lors de la construction d’un modèle de situation spatial d’un texte. En effet, nous nous sommes intéressés à la façon dont une information jugée non pertinente pour la représentation mentale d’un texte en cours de construction allait être inhibée, voire supprimée. Nos résultats n’ayant pu nous permettre d’identifier spécifiquement l’intervention distincte de ces deux processus, nous avons choisi d’élaborer un nouveau protocole en faisant intervenir différents types d’informations textuelles (pertinentes, non pertinentes et incohérentes). Notre hypothèse étant que l’inhibition et la suppression ne sont pas incompatibles, et que leurs mises en place respectives dépendent de la nature des informations présentées dans un texte.

Nos précédentes recherches nous amènent à penser que lorsque des informations textuelles deviennent non pertinentes pour la représentation mentale en cours de construction, les lecteurs vont supprimer cette information.

Par contre si l’information textuelle est incohérente, elle sera alors inhibée de la représentation mentale. Une information textuelle est jugée incohérente lorsqu’elle est incompatible avec l’histoire que décrit le texte et non pertinente quand elle ne présente plus d’intérêt pour la situation du texte.

De plus, dans notre première expérience nous avons voulu étudier l’influence du calepin visuo-spatial de la mémoire de travail dans la construction du modèle de situation. Les résultats indiquaient une différence de performance chez les sujets avec un empan faible par rapport à ceux avec un empan élevé. En effet, il semblerait que les lecteurs avec un faible empan ont plus de mal à distinguer les informations pertinentes et non pertinentes d’un texte et ont tendance à supprimer de la représentation mentale en cours de construction des informations pertinentes et à conserver des informations non pertinentes. Nous avons donc voulu reproduire les résultats de l’expérience 1 et les compléter en étudiant l’influence de la capacité visuo spatiale des lecteurs.

H1 : Quand le lecteur lit un texte sur un personnage se déplaçant dans un environnement, il construit un modèle mental de la situation en prenant en compte le cadre où se trouve le personnage, et en mettant à jour sa représentation en fonction de ses déplacements. Ainsi, lorsque qu’un lieu décrit dans le texte n’est plus celui où se situe le personnage, les informations textuelles relatives à ce lieu ne sont plus pertinentes et sont supprimées de la représentation mentale en cours de construction. Cette suppression devrait se mettre en place lors de la lecture de la deuxième partie du texte (i.e. à partir de la 9ème phrase) et se manifester jusqu’à la fin de la lecture du texte.

H2 : Par contre, lors de la lecture, si un lieu décrit dans le texte est incohérent avec le lieu où est censé se trouver le personnage, les informations textuelles relatives à ce lieu seront jugées incohérentes par le lecteur et donc inhibées de la représentation en cours de construction.

H2a : Une information incohérente sera inhibée de la représentation mentale en cours de construction, dès la présentation de l’information incohérente. Cette inhibition devrait se manifester tout au long de la lecture du texte.

H2b : Une information qui a été inhibée de la représentation mentale peut-être réactivée si la situation du texte la rendait pertinente à nouveau. C’est-à-dire si elle est redonnée dans le texte sans être incohérente (i.e. levée de l’incohérence).

H3 : Pour construire un modèle de situation spatial cohérent, le lecteur prend en compte les informations du texte faisant référence à l’environnement décrit. Pour cela, il doit utiliser les capacités de la mémoire de travail, en particulier ses capacités visuo-spatiales, afin de pouvoir se représenter le déplacement du protagoniste dans le contexte décrit. Nous pensons que les sujets ayant une capacité de mémoire visuo-spatiale moindre (i.e. empan faible) auront plus de difficultés à détecter les incohérences du texte et à supprimer les informations non pertinentes que les lecteurs avec de meilleures capacités visuo-spatiales (i.e. empan élevé).