1.2 Les pionniers des pratiques de la médiation thérapeutique référée à la psychothérapie psychanalytique

1.2.1 Le dessin et le jeu dans la psychothérapie de l’enfant

Bien avant l’émergence des pratiques soignantes qui utilisent les médiations artistiques en groupe, les psychanalystes et thérapeutes qui travaillent avec des enfants ont utilisé le dessin et le jeu comme vecteur du processus thérapeutique.

Le dessin et le jeu se présentent comme des supports permettant de médiatiser la rencontre thérapeutique.

Ainsi Mélanie Klein, lorsqu’elle reçoit de très jeunes enfants, leur propose-t-elle outre les jouets, du papier, des crayons et des ciseaux afin d’entrer en contact avec leur inconscient en utilisant son langage après l’avoir interprété. Elle utilise le dessin de l’enfant comme un moyen non seulement d’expression de ses conflits inconscients mais de reconstitution de ces derniers. Ce matériel constitue pour elle un support pour les associations de l’enfant qu’elle met en lien avec son vécu transférentiel. Elle évoque en outre les contenus symboliques des dessins.

Le dessin est donc un moyen pour l’enfant d’expression des tendances réparatrices qui s’inscrivent comme une possibilité de sublimation des pulsions destructrices (en lien avec sa théorie qui décrit les positions schizo-paranoïde et dépressive). La réparation va permettre à l’enfant en proie au sentiment de culpabilité (né des attaques destructrices inconscientes) de préserver et recréer l’objet précédemment attaqué.

Soulignons la fonction tierce et symbolisante du papier et des instruments utilisés dans ce cadre thérapeutique.

Ainsi Mélanie Klein place-t-elle les pulsions réparatrices à la source de la démarche créatrice, en lien avec la résolution de la position dépressive.

Surtout, ce qui attire notre attention est que Mélanie Klein introduit la notion de changement dans les dessins, celui-ci témoignant d’une relation hic et nunc avec les états émotionnels. Les dessins ne sont donc plus le seul témoignage d’un rapport passé. Mélanie Klein pose aussi une autre donnée primordiale : le symbole figuratif va servir d’appui aux émotions exprimées par le dessinateur. Cela confirme la double idée que les traces laissées à travers la matière sont des représentants de l’expérience relationnelle et pulsionnelle présente en même temps qu’elles sont des moyens, des vecteurs, des formes nécessaires pour transcrire ces contenus affectifs bruts.

Si Mélanie Klein (et bien plus tard Françoise Dolto qui utilisera le dessin dans la cure des enfants comme équivalent de l’association libre ou d’un rêve), conçoit son travail avant tout comme l’analyse des jeux et productions de l’enfant, Sophie Morgenstern trace les prémices d’un parcours de création résolutive.

Sophie Morgenstern, présentée comme une pionnière dans l’utilisation du dessin dans la psychothérapie des enfants dans les années 1920, apporte un crédit particulier à cette technique et lui confère un statut de miroir des conflits inconscients de ses petits patients. Cependant, cherchant essentiellement à détecter le traumatisme initial, comme Freud le fit dans sa première théorie de la séduction, elle ne voit dans les dessins d’enfants que des répétitions des scènes familiales et ne prend pas en compte la dimension transféro contre-transférentielle sous-jacente. La trace se fait alors témoin d’un vécu ancien, représentante de vécus traumatiques.

Si l’analyse est pertinente, l’approche thérapeutique de cet auteur est critiquée par A. Anzieu (1996) dans son étude historique de l’analyse des dessins d’enfants. Par manque d’une conscience suffisante de la dimension contre-transférentielle, S. Morgenstern opère à un glissement vers une forme de jugement surmoïque à l’encontre de ses jeunes patients.

En effet, Annie Anzieu insiste beaucoup, avec ses co-auteurs, sur la dimension transféro- contre-transférentielle à prendre en compte et exploiter dans tout travail thérapeutique.

Si Françoise Dolto cultivait un véritable génie pour détecter les pathologies, les dysfonctionnements et les conflits affectifs du dessinateur, chaque dessin était considéré selon elle comme un autoportrait inconscient.

Néanmoins, commente A. Anzieu, si ses interprétations des dessins avaient valeur de portraits psychologiques, ils n’étaient jamais appréhendés en tant que représentants des relations aux objets internes.

Ceci est essentiel, car cela veut dire que si les traces que nous repérerons dans les formes modelées peuvent se faire représentantes de l’image du corps, il n’en demeure pas moins que cette dernière change avec le temps et avec la relation dans laquelle elle se vit, et ceci nous semble primordial.

Mentionnons aussi les travaux essentiels de D. W. Winnicott (qui seront présents en filigrane tout au long de cette recherche), au sujet des phénomènes transitionnels, mais surtout concernant l’invention d’une technique de dessin particulière en psychothérapie avec les enfants : le squiggle. Son originalité consiste à intégrer transfert et contre-transfert dans le processus même : l’ajout d’éléments par l’enfant au gribouillis initial de Winnicott s’effectue en fonction du transfert sur le psychanalyste, et, réciproquement, la transformation par Winnicott du gribouillis de l’enfant relève de son propre vécu contre-transférentiel.

Enfin, il nous faut citer pour terminer sur le dessin, les travaux plus contemporains de G. Haag (1990) avec des enfants autistes, travaux qui seront décisifs pour notre recherche. L’auteur propose une analyse des traces préfiguratives et insiste sur le lien entretenu entre la trace et les acquis ou défaillances psychocorporels de l’enfant qui dessine, et précise que les traces primitives sont aussi révélatrices des structures rythmiques des premiers contenants psychiques.