1.3 Les travaux contemporains

Nous l’avons constaté, les « ateliers à médiation » ont le vent en poupe dans de nombreux secteurs, dans les institutions de soin en particulier (nous limiterons notre propos à ce champ thérapeutique qui est celui qui nous concerne). Mais le terme de « médiation » n’est pas un concept psychologique ni psychanalytique, et ne réfère pas en particulier à une pratique ou un champ clinique déterminé. S’il existe « beaucoup de pratiques » toutes aussi diverses que variées, il existe encore trop peu de travaux théoriques traitant de la question et référencés à la psychothérapie psychanalytique.

Parcourant les travaux des cliniciens qui proposent une théorisation sérieuse de ce qui opère, au delà de la catharsis, dans les cadres-dispositifs inventés (non moins sans rigueur), nous souhaitons proposer une revue de question cette fois-ci sous un angle contemporain.

Qu’entendons-nous par « groupe à médiation »?

Qu’est-ce qui fait médiation, quelle serait la substance du médium propre à mettre en travail un aspect particulier des failles sur lesquelles achoppent les patients au regard de leur histoire et qui serait propice à l’avènement d’un temps de réaménagement psychique ?

Les déterminations et dénominations de ce qui opère et qui concernent tour à tour l’« objet médiateur », « objet de relation », objet transitionnel peuvent être source de confusion pour le novice qui s’aventure dans le « bricolage » d’un dispositif (bricolage étant entendu de manière non péjorative, du côté de ce qui fait créativité dans la rencontre d’un praticien clinicien, d’une matière et de sujets qui ne sont pas à même de s’exprimer dans un dispositif thérapeutique traditionnel).

Alors si des psychologues cliniciens et des psychanalystes contemporains praticiens de groupes à médiation ont avancé des pistes de théorisation psychanalytique de différentes formes de médiation, sans aucune prétention d’exhaustivité, nous proposons d’aborder dans leurs grandes lignes ces apports.

Pour cela, nous traiterons la question en nous appuyant sur les travaux qui nous semblent fonder tant la consistance que la solidité théorico-clinique de la pratique des groupes à médiation et telle qu’elle a été mise en travail depuis une vingtaine d’année par l’école lyonnaise, à partir des travaux sur la symbolisation.

Cette symbolisation, nous la savions depuis S. Freud « secondaire » (de la représentation de chose à la représentation de mots, et la question de la sublimation), elle concernait surtout ce qui permettait à un sujet d’aborder l’Œdipe et de se structurer sur ce mode.

Mais les « restes » ou les ratés de ces processus, qui échappent aux sujet qui achoppent sur cette difficulté ou bien plus précocement sur celle de la différenciation, se situant tout à fait « en deçà », coincés dans une organisation prégénitale, témoignant de problématiques bien plus archaïques, viennent interroger les mécanismes psychiques de la symbolisation.

A partir des travaux présentés dans la partie qui précède, d’autres ont depuis proposé une modélisation, essentiellement à partir d’une pratique avec des patients autistes, psychotiques ou « border-line », de l’existence de formes et de processus de symbolisation qualifiés de symbolisation originaire (Chouvier, 1997), puis symbolisation primaire. C’est aussi à partir des œuvres d’artistes et de créateurs, et à travers les travaux de cliniciens formés à la psychanalyse qui se sont questionnés sur ce processus et son surgissement que ces apports ont trouvé un ancrage.

Ils ont mis en évidence que le travail thérapeutique proposé peut se faire en deçà des processus de symbolisation secondaires vectorisés par le langage. Si la cure analytique utilise le langage comme constitutif du dispositif, nous verrons que tout en restant le modèle princeps dans ses fondements (en particulier en ce qui concerne la règle fondamentale et le travail de l’associativité), les pratiques de la médiation constituent un soin à part entière et qui n’est pas étranger au dispositif analytique.

D.W. Winnicott, précurseur, l’avait pressenti et présenté dans son article au sujet de « la crainte de l’effondrement.» Les expériences primitives, non symbolisées, d’ordre sensori-affectivo-moteur et hors du champ du langage se trouvent réactivées au sein des dispositifs et peuvent alors trouver là un premier support d’inscription, une première tentative de figuration à travers le langage du corps, de l’affect, la mise en jeu de la sensori-motricité.

Par ailleurs, les travaux de Pierra Aulagnier (1975), qui mettent en évidence les processus psychiques propres au champ de l’originaire, avec la notion de pictogramme, constitueront un apport princeps pour aborder les mécanismes de la symbolisation dans notre recherche.

Notre revue de question propose une synthèse des théorisations qui, outre la pertinence et la créativité propres à chaque auteur, ont guidé notre recherche.

Nous nous réfèrerons tout d’abord aux travaux de Bernard Chouvier pour sa réflexion et son apport au sujet des processus de symbolisation à l’œuvre dans les cadres-dispositifs thérapeutiques à médiation.

Nous aborderons ensuite les travaux d’Anne Brun qui propose une théorisation du travail engagé par la médiation picturale dans la psychose infantile et en particulier sur ce qu’elle développe autour de la sensori-motricité et de la réactivation des traces de l’hallucinatoire et du lien à l’objet primaire.

Il sera aussi question des travaux de Patricia Attigui qui propose l’expression théâtrale comme médiation en milieu psychiatrique à des patients psychotiques.

Il ne nous est pas possible de citer tous les travaux dignes d’intérêt (ceux d’Edith Lecourt qui utilise la musique, de Guy Lavallée la vidéo, de Pascal Le Malefan les marionnettes)... que ceux qui n’apparaissent pas dans cette revue de question n’en soient pas offensés, nous les avons bien « en tête », car croisés au fil de nos recherches et lectures, ils ont contribué à enrichir notre pensée.

Concernant les travaux propres au travail de la terre (Bayro-Corrochano, 2001) ou du modelage (Sophie Krauss, 2007), nous leur réservons une place particulière dans la partie qui concerne les qualités et propriétés symboligènes de la matière terre et du modelage.