4.3 Reprise des hypothèses individuelles : les formes issues de la sensorialité

Rappelons ici les trois hypothèses que nous avions formulées.

Tout d’abord, nous avions proposé que :

Nous pourrions désigner les formes modelées au sein du dispositif groupal de médiation par la terre, aussi formes du médium malléable , comme des formes sensorielles .

Ensuite, nous émettions l’hypothèse que :

Les formes sensorielles produites rendraient compte d’un premier lieu d’inscription, de dépôt et de transformation des angoisses archaïques.

Enfin, après avoir déroulé les deux premières, nous en venions à proposer une troisième hypothèse :

L’apparition et le déroulement des actes symboliques , mis en correspondance avec chacune des formes sensorielles  observées et recensées, se proposeraient comme des scènes de représentations symbolisantes.

Les formes sensorielles qui témoignent de la « mise en forme de l’informe », permettent le modelage d’une forme en lien avec la réactivation par le médium de perceptions et sensations hallucinées.

Les formes sensorielles se présentent comme support d’inscription des premières expériences sensori-affectives dans la relation à l’objet : celles-ci, conditionnées par le corps et l’organisation sensorielle, correspondent à l’émergence de formes perceptives.

Il s’agit de permettre au sein du dispositif de renoncer à l’accrochage à la sensorialité de ses objets autistiques, pour accéder à la co-création d’un objet figurable, dans une dynamique transférentielle.

Rappelons que nous tenterons d’articuler entre eux les actes symboliques, les formes sensorielles, et ceux et celles que nous pouvons rattacher à une étape parmi celles décrites par G. Haag et coll. (1996) concernant l’autisme infantile traité. Ceci nous permettra également d’ouvrir un débat clinique et psychopathologique, car tous les sujets ne sont pas autistes, bien que certains, dont la psychopathologie relève d’une organisation psychotique, présentent des « enclaves autistiques ». Nous ne rapporterons donc pas exclusivement à la description des étapes décrites par Haag et coll. les observations cliniques.

Restituons, brièvement (nous aurons ultérieurement l’occasion d’y revenir), ces étapes (nous prenons pour cela appui sur ce qu’en résume S. Krauss, 2007).

L’état autistique réussi se caractérise par des manipulations très archaïques de la matière terre, reflet d’une peau psychique non constituée et d’un espace uni ou bidimensionnel dans lequel la séparation est impossible (par exemple émietter, éparpiller, écraser la terre).

L’étape de la récupération de la première peau se caractérise par des manipulations ayant trait à l’acquisition d’un premier sentiment d’enveloppe circulaire et à l’expérimentation du « fond psychique » (malaxer la terre, y laisser une empreinte).

La phase symbiotique avec clivage horizontal de l’image du corps correspond à tout ce qui concerne l’appui latéral et le double (faire deux morceaux à partir d’un seul, plier).

La phase symbiotique avec clivage horizontal de l’image du corps est marquée par une augmentation des preuves de spatialisation, une manipulation plus libre et individuée, la construction des membres inférieurs : par exemple explorer les creux et les bosses, mettre des morceaux dans un contenant.

Enfin, l’individuation correspond à des manipulations un peu plus élaborées, reflet d’un espace psychique bien constitué (corps total) et d’une séparation possible (jeux avec la matière, et jeux de faire semblant).

Il est nécessaire de bien garder en tête ces éléments, car nous en aurons non seulement besoin pour l’élaboration des cas qui va suivre, mais aussi et surtout pour l’établissement de la grille de repérage.