4.3.4 La forme réunifiée

L’étape suivante concerne le cas de Paul, qui pétrit, malaxe la matière, en sépare plusieurs morceaux pour les recoller ensemble, les assembler.

La forme sensorielle qui est alors une forme unifiée (parfois étouffante dans sa dimension de colmatage, dans sa forme « conglomérat »), témoigne d’une angoisse qui serait déjà plus élaborée, du côté de la séparation.

L’acte symbolique réside dans le jeu d’empilage des formes créées. La matière a la capacité à contenir les débordements pulsionnels de Paul. Ces jeux de manipulations permettront à la matière de prendre de la profondeur (en lien avec la dynamique groupale), lorsqu’il imprimera en profondeur à la surface de sa forme les traces de la chaîne en argent qu’il porte autour de son cou.

A travers la manipulation de la matière (et l’accompagnement des thérapeutes), on assiste à une certaine « libidinalisation » du sensoriel. Les manifestations de plaisir et déplaisir s’intensifient tout autant qu’elles semblent se spatialiser. Si elles menacent d’être débordantes, les thérapeutes et le groupe la régulent. Elles peuvent être adressées et partagées.

L’expression des mouvements pulsionnels s’extériorise de manière bruyante et s’apaise ensuite. Les tentatives de contrôle tout-puissant sur l’objet (exigences coléreuses), à cause de vécus d’anéantissements sont encore fréquentes. La capacité de l’objet (la matière) à maintenir l’investissement positif et surtout à maintenir du plaisir malgré les attaques est testée par le sujet.

Lorsque Paul refuse de s’asseoir à la table commune et qu’il attaque le cadre (coups de pieds dans la table, insultes), et qu’à la fin de la séance il se décide à venir nous rejoindre et exécute très vite un modelage, nous pourrions penser qu’il y a là une tentative de réparation.

C’est probablement à la suite de cela (il constate que l’objet n’est pas détruit), qu’il va manifester une grande sollicitude et un véritable « amour » de la matière (il est admiratif, la caresse, la fait caresser aux autres, partage son morceau de terre avec Ernesto).

La matière « prend corps » à travers les formes élaborées, et la présence « désordonnée » de Paul a trouvé une harmonie.

Les premières formes sont lisses et compactées à l’extrême. Les suivantes présentent des bosses, Paul relâche le serrage et « force moins ».

Il y a ensuite la forme qu’il enveloppe d’abord avec du scotch, puis avec de la terre blanche. Les dernières formes présentent des creux et des plis qu’il explore, elles sont à rattacher à l’espace tridimensionnel et à la possibilité nouvelle de vivre des éprouvés ayant trait à la séparation.

Dans la progression des formes de Paul dans le temps, il nous apparaît que les dernières contiendraient en elles-mêmes toutes celles des autres membres du groupe, toutes les étapes précédentes.

N’oublions pas aussi que Paul imite les thérapeutes (capacité identificatoire, de jeu).

Cette dernière forme (pli et creux), dit quelque chose d’un aboutissement, d’une enveloppe constituée, d’une fonction contenante introjectée.

Les actes symboliques repérés à travers l’évolution de Paul sont les suivants : envelopper, malaxer et pétrir, empiler, laisser des empreintes, plier, imiter.

Les formes sensorielles qui leurs sont associées sont : forme conglomérat, forme bosselée, forme creuse avec pli.