4.4.2.2 Elsa, le modelage et le thérapeute

Séance 1. Le coup de poing ou comment Elsa s’empare du dispositif

Elsa est très excitée, il faut que je l’aide à revêtir le tablier (au fil du temps nous privilégierons une blouse pour mieux protéger ses vêtements, car Elsa aura grand plaisir à se salir).

Nous sommes positionnées en face à face de part et d’autre de la table. Nous avons chacune en face de nous une planchette de bois et un morceau de terre.

Elsa s’empare de suite du morceau de terre alloué et le frappe tout entier et violemment contre la planchette sur la table. Cela produit un bruit fort et qui l’intrigue. Le regard interrogatif qu’elle m’adresse semble me demander si elle peut brutaliser ainsi la matière.

Mon regard appuie son geste, elle recommence encore plus fort, au point que le morceau de terre qui se déforme se colle parfois à la planchette.

Alors, sans rien dire, je prends mon propre morceau de terre que je malaxais jusqu’alors, le soulève et le lâche sur la planchette, ce qui produit un nouveau bruit.

Elle sourit et fait de même. Nous répétons l’action chacune à notre tour, ce qui crée un écho. Elsa fait néanmoins choir à chaque fois d’un peu plus haut son morceau, intensifiant le geste et découvrant avec grande jubilation que cela produit beaucoup de bruit (qui ne lui fait pas peur probablement parce qu’il est partagé), en s’exclamant : « Ah ! Ca fait du bruit, ça m’amuse ! »

Elle utilise toujours une seule de ses mains, indifféremment la droite ou la gauche, l’autre étant recroquevillée sous ou sur la table.

A force de laisser tomber sur la planchette le morceau de terre, il s’aplatit considérablement.

Elle m’interpelle beaucoup, et sur un mode qui semble mélanger les canaux sensoriels : « T’as vu ce bruit ? »

Puis je décide de la regarder faire toute seule. On dirait qu’elle joue en présence de l’autre (thérapeute), à « se faire peur » avec le bruit qui pourrait faire resurgir celui qui la pétrifie, tout en maîtrisant parfaitement ce bruit reproduit par la matière (il est même peut-être question d’emprise dans ce jeu).

Le morceau de terre initial commence néanmoins à se déliter et à se séparer en plusieurs bouts. Je lui signifie alors verbalement qu’elle doit tenter de rester « à l’intérieur de la surface de la planchette », afin de contenir, réguler émotionnellement et sensoriellement ce qui se déroule et l’excite beaucoup.

La laissant faire un moment, mais ressentant cette possibilité d’invitation au jeu, je confectionne sans rien dire une boule de terre que je fais rouler jusqu’à elle sur la table. Elle la prend dans sa main, la regarde, me regarde et dit alors spontanément : « C’est Elsa et Béatrice ! »

Elsa doit alors probablement constater mon air un peu déconcerté par le fait qu’elle s’empare ainsi et aussi rapidement du dispositif.

Précédant une réaction de ma part, elle positionne la boule sur la planchette et d’un coup de poing, l’écrase.

Je lui demande si elle tente de « nous écraser ? », elle me répond d’un ton joyeux : « Ouais, je t’écrase la tête ! » et pouffe de rire. Elle manifeste alors une hypertonicité dans les bras et met en pièces la boule en l’aplatissant encore plus sur la planche, accompagnant de cris d’excitation la manœuvre.