Conclusion générale

« Peut-être quelques lecteurs auront-ils suivi avec étonnement d’abord, avec effroi ensuite cet exposé ; et ils en auront tiré la conclusion qu’il s’agit à nouveau d’une psychogenèse de la maladie mentale [...] Or, c’est justement cela que j’ai voulu éviter de faire : étudier des malades mentaux et les rencontrer dans leur monde, ne signifie en aucune façon présenter une psychogenèse des maladies mentales. Pour moi, j’établis une distinction très nette entre ces deux méthodes. Mon travail vise uniquement à manifester la possibilité de saisir la manière d’être des malades dans la rencontre, en particulier dans le dialogue avec le médecin. Mais cela n’implique pas du tout que la cause de la maladie mentale soit psychique. La psychose a un niveau qui s’ouvre au dialogue, et par conséquent, à une thérapie, à un traitement par la parole.  92 » (p. 29)

Cette citation de Gisela Pankow (1969) nous semble tellement bien restituer l’orientation et la tonalité générales de notre travail, que nous avons souhaité la faire apparaître en « caractères gras » pour mieux la mettre en avant.

Nous avons en effet parfois craint de sidérer le lecteur ou auditeur à travers l’élaboration et le développement de notre pensée. A plusieurs reprises, il nous est apparu que le contenu de cette recherche : tenter d’émettre des hypothèses à partir de ces « histoires de miettes ou de boudins » était complètement « farfelu. »

Il n’empêche que tout d’abord, cette pensée au pu être communiquée et partagée à plus d’une reprise et trouver des échos, des renvois qui l’enrichissaient.

Et surtout, du côté des patients, il m’apparaissait, sous forme d’une conviction quasi inébranlable, qu’il se passait quelque chose qui n’était réductible ni à la détermination de leurs pathologies qui les enfermaient, ni à un seul effet psychomoteur résultant du travail de la matière terre dans l’ici et maintenant.

Tout cela résonnait, quelque part, « ailleurs, et autrement. »

Et il aurait été impensable de passer à côté.

Si la médiation constitue un dispositif préétabli, dispositif matériel, technique, d’espace, de temps, comme le souligne M. Rodriguez :

‘«  La quintessence de la médiation est immatérielle, elle est dans les processus qui visent au déploiement de l'activité représentative »93. ’

A partir d'une situation thérapeutique préétablie décrite par D.W. Winnicott (le jeu de la spatule), M. Rodriguez définit certains des mécanismes en jeu dans le processus de médiation.

L’auteur repère trois fonctions principales de médiation.

Tout d’abord, la première fonction vise à constituer un objet d’attention conjointe, c’est-à-dire à faire converger les regards vers un même point, une même activité, autrement dit à déplacer la séduction de l’adulte vers un élément particulier du dispositif. L’objet médium, à l’image de la spatule, devient un objet qui s’interpose entre le thérapeute et le patient, un objet convergent qui vise à instaurer une triangulation thérapeute-patient-dehors.

Ensuite, la deuxième fonction concerne la capacité à pouvoir utiliser, manipuler, à l’image d’un objet concret, une partie du dispositif afin d’exercer sur celui-ci l’empreinte de sa subjectivité (appréhension de l’objet médium), du côté de la création ou de la destruction. Dans la médiation, il y aussi cette idée d’utiliser un élément du cadre pour expérimenter, symboliser l’expérience de la rencontre ou de la non-rencontre avec l’autre. Il faut que l’objet survive à la destruction pour que le sujet puisse l’utiliser. L’attitude du thérapeute, qui doit se montrer suffisamment malléable, utilisable dans le jeu intersubjectif, permet le déploiement de l’activité représentative, en acceptant d’être, au même titre que l’objet médiateur, un support des projections.

Enfin, la troisième fonction concerne les conditions nécessaires au déploiement de cette activité représentative. Si celle-ci a besoin, pour être perçue et appréhendée par le patient, de se donner des représentants concrets, c’est au prix de son propre effacement : ce représentant doit accepter de ne rien représenter par lui-même si ce n'est d’être un médiateur, un représentant de la représentation.

Notes
92.

PANKOW G. (1969), L’homme et sa psychose , Paris, Aubier.

93.

RODRIGUEZ M. (1999), La médiation : un processus thérapeutique, L’information psychiatrique, n° 8, p. 822-825.