Expérience 1 : Objectivation du traitement sous cortical d’un son de parole par rapport à celui d’un son complexe

1.1. Introduction

La compréhension du langage apparaît comme un processus rapide et automatique, faisant intervenir des processus corticaux et sous corticaux. Comme nous venons de le voir, il est possible d’objectiver de manière non invasive le traitement sous cortical des sons de parole au moyen des PEASP. Toutefois l’encodage des différentes caractéristiques intrinsèques des stimuli reste encore méconnu. Ainsi, mon premier travail porta sur l’étude des différentes parties des PEASP en réponses à des syllabes /ba/ et /pa/ ainsi qu’à leurs homologues. Conjointement nous souhaitions pouvoir corréler ces résultats neurophysiologiques avec ceux obtenus lors de tests de perception, afin de pouvoir obtenir des valeurs de références et des corrélats neurophysiologiques.

Deux approches sont possibles pour évaluer l’intelligibilité de la parole : soit en mesurant subjectivement la perception auditive du sujet à travers des tests psycho-acoustiques, soit en enregistrant objectivement l’activité neurophysiologique évoquée par un stimulus sonore dans le système auditif.

Dans cette étude, nous avons souhaité évaluer l’importance de l’enveloppe temporelle dans le PEASP. Est-ce que le PEASP n’est que le reflet pur-et-simple de l’enveloppe, ou bien est-ce que la structure fine joue également un rôle dans la génération de la RSF ? Est-ce que seule la voyelle est codée par la RSF, ou est-ce que la consonne intervient également ? Pour élucider ces questions, nous avons comparé les PEASP engendrés par des sons de parole réels /ba/ et /pa/ (qui ont rigoureusement la même voyelle), ainsi que par leurs homologues. Les homologues furent synthétisés comme une somme de sinusoïdes à la fréquence des formants, modulés par l’enveloppe temporelle des sons de parole. Les sons de parole /ba/ et /pa/ furent choisis plus naturels que ceux, synthétiques, utilisés dans les études précédentes, en effet les signaux utilisés sont ceux enregistrés à partir de voix humaines par Cazals, avec une durée supérieure à ceux précédemment utilisés (durée de 230 millisecondes). Cette étude évalue l’importance de la nature du stimulus pour les composants du PEASP. La comparaison des PEASP en réponse à des sons de parole et leurs homologues permet d’apporter des précisions sur la possibilité éventuelle d’une spécificité du traitement de la parole dès le tronc cérébral. En effet, il existe deux hypothèses divergentes : selon la première, le langage est traité dans les aires intégrées corticales (spécifiques de l’homme), ainsi le traitement sous-cortical ne permettrait pas une analyse des caractéristiques des sons de parole (Zatorre & Gandour, 2008). La seconde s’appuie sur des travaux portant sur l’animal ayant mis en évidence une sensibilité de certaines cellules sous-corticales à des sons mimant les voyelles (vowel-like sounds,   Palmer & Shamma), et par extrapolation à l’être humain, pourrait laisser supposer un traitement en partie sous cortical de la parole. L’utilisation des homologues ou « analogues » avait pour but de disposer de sons complexes ayant la même enveloppe temporelle que /ba/ et /pa/ tout en ayant une structure fine appauvrie,stationnaire et ne reproduisant pas la dynamique formantique nécessaire à la bonne intelligibilité du son de parole.