5.3. Discussion :

Des travaux portant sur le modèle animal ont démontré une sensibilité des neurones du nerf auditif et du noyau cochléaire aux propriétés langagières du signal, comme la structure formantique (Delgutte 1980), la transition formantique (Delgutte et Kiang 1984), et le VOT (Clarey et al 2004). Il a notamment été montré des schémas de réponse temporelle spécifiques au sein du cortex auditif primaire du singe, reflétant les limites perceptives du VOT et pouvant représenter un corrélat physiologique de la perception catégorielle des paramètres phonétiques (Steinschneider et al, 1995, 2005).

En effet, les schémas de réponses reflétant le VOT sont présents depuis la périphérie et sont transmis tout le long du système auditif jusqu’au cortex, par exemple, une accentuation du phase locking au début du voisement serait notamment visible au niveau du nerf auditif (Sinex & Mc Donald, 1989 ; Sinex et al, 1991). Par ailleurs, Sinex et al (Sinex & McDonald 1988 ; Sinex et al 1991) montrèrent une modification de comportement neuronal touchant principalement les neurones basses fréquences inférieure à 1kHz lorsque l’on étudie les réponses aux sons voisés et non voisés. Les neurones basses fréquences ne déchargent plus durant la période non voisée et recommencent à décharger en présence de voisement. Au niveau cortical, Steinschneider et al, 1994, mirent en évidence la transformation des schémas de réponse reflétant le VOT entre le tronc cérébral et les réponses évoqués intracorticale au niveau du cortex auditif primaire, mettant ainsi en avant un rôle complémentaire du cortex auditif primaire dans le codage temporel du VOT, rôle observé aussi chez l’humain (Kurtzberg, 1989).

Au niveau du colliculus inférieur, des données obtenues sur un modèle animal (chinchilla, Chen et al (1996)) viennent corroborer les résultats obtenus dans notre expérience. En effet, Chen et al conclurent que les réponses des neurones au VOT de syllabes synthétiques présentées en monaural droit étaient semblables à celles observées au niveau du nerf auditif, le type de réponse des neurones du colliculus inférieur (réponse soutenue ou transitoire) dépendant du type de VOT.

L’autre point mis en avant dans cette expérience est l’effet corticofuge, qui concorde avec certaines données précédentes mettant en avant son existence. En effet, il est admis que 30% des enfants présentant des troubles de l’apprentissage ont des résultats PEASP différents (augmentation de la latence de l’onset, pente V-A moins profonde et diminution de l’amplitude de la RSF) des autres enfants du même âge (Cunningham et al, 2001 ; King et al, 2002 ; Wible et al, 2004 ; Banai et al, 2005), résultats pouvant être modifié par l’entrainement : témoin d’un effet corticofuge, améliorant le traitement au niveau sous cortical. En effet, cet encodage neural déficient chez certains de ces enfants serait lié aux processus corticaux, mettant en exergue l’importance du tronc cérébral et surtout l’ensemble des connexions cortico sous corticales sous jacentes (Abrams & Kraus, 2009). De plus, afin de lier précisément le codage des indices acoustiques par le tronc cérébral aux fonctions linguistiques, il a été montré qu’un encodage anormal au niveau du tronc cérébral est lié à des réponses anormales mesurées à l’étage cortical. Par ailleurs, certains enfants présentant une représentation imprécise des son à l’étage du tronc cérébral ont aussi démontré des représentations anormales des stimuli simples (Ahissar et al, 2000) et complexes (Kraus et al, 1996 ; Bradlow et al, 1999 ; Wible et al, 2002 ; Banai et al, 2005) à l’étage cortical. Ainsi, l’encodage d’indices acoustique au niveau du tronc cérébral représente un phénomène complexe relié aux capacités linguistiques et aux fonctions corticales.

Un autre argument en faveur d’un effet corticofugal est l’existence de connexions cortico sous corticale (Kral & Eggermont, 2007), en effet, ces connexions efférentes entre les couches du cortex auditif et le tronc cérébral sont le support d’un contrôle excitateur ou inhibiteur sur le colliculus inférieur (Keuroghlian & Knudsen, 2007). Pour certains, la mise en évidence de latence de réponse augmentées au niveau de la partie dorsale et périphérique du colliculus inférieur chez le cochon d’inde (Liu et al, 2006), suggèrerait que les neurones situés dans ces régions reflèteraient l’influence du cortex auditif sur le tronc cérébral. Notion corroborée par une diminution de la protéine Fos dans ces régions dorsale et latérale du colliculus inférieur lorsque le cortex est inhibé, sans qu’il y ait de variation du taux de cette protéine dans la région centrale du colliculus inférieur (Sun et al, 2007).