Expérience 6 : Influence de l’intensité de stimulation sur le recueil des réponses de type PEAPSP

Lorsque l’on s’interroge sur la définition même de l’intensité d’un son, on se rend compte que celle-ci apparait être variable selon les circonstances. On peut la décrire comme la sensation auditive correspondant à la mesure physique de l’intensité sonore, bien que cette définition ne soit pas valable en toutes circonstances. Une définition plus appauvrie en serait la description psychologique de l’amplitude de la sensation auditive (Fletcher & Munson 1933). La complexité de cette définition, s’accompagne d’une complexité dans le traitement de l’information tout le long du système auditif. En effet, même si cette capacité à identifier les différences d’intensité des sons, capacité dite de discrimination d’intensité, nous paraît tout à fait simple et naturelle, celle-ci fait intervenir différentes structures du système auditif aussi bien au niveau cortical que sous cortical.

L’étude de l’encodage de l’intensité sous-entend de s’intéresser à la manière dont l’intensité physique d’un son est représentée en termes de patterns d’activité des fibres nerveuses au sein du système auditif. Le codage de l’intensité est donc, de manière inhérente, corrélé à la discrimination de cette même intensité. Lors de l’écoute de deux sons d’intensité différente, notre habileté à différencier ces deux sons vient de notre capacité à représenter cette différence à tous les étages du système auditif, de la cochlée jusqu’à l’établissement du processus de décision. La fidélité des mécanismes d’encodage va déterminer la plus petite différence détectable. Un des modèles permettant de mettre en évidence le codage de cette intensité est basée sur le fait qu’il faut prendre en compte la sélectivité fréquentielle de la cochlée, si bien que l’intensité est encodée de manière indépendante pour différents canaux de fréquence, même si cette information est regroupée à des étages plus haut situés . L’hypothèse simpliste selon laquelle l’intensité de n’importe quelle région fréquentielle est simplement codée par le taux de décharge des fibres correspondant à cette région fréquentielle, plus l’intensité est élevée, plus le taux de décharge est élevé doit être nuancée.

Carlyon and Moore (1984) ont suggéré que dans certaines circonstances, l’intensité peut être codée par une activité de phase locking des fibres du nerf auditif. Une augmentation de l’intensité d’un son pur en présence de bruit peut produire une augmentation de la synchronisation sur la structure fine du son pur, s’éloignant de la structure fine du bruit même si le taux global de décharge des fibres ne varie pas : en d’autres mots la fibre nerveuse a atteint son taux de saturation (Javel 1981).

Les premiers résultats n’étant pas comparables entre ba+enveloppe et les autres conditions iso-énergétiques, l’expérience a été complétée par une étude paramétrique plus fine comportant des PEAP et des PEASP recueillis à différentes intensités.

En effet, la grande majorité des études sur les « Speech ABR » utilisent des intensités de stimulation relativement fortes, de 60 à 90 dB SPL, soit 50 à 70 dB au dessus du seuil du sujet. Le problème des intensités relativement élevées, est le risque de contamination des réponses obtenues par l’artéfact électromagnétique des transducteurs (cf. chapitre 3 « mise au point technique »). Ceci peut rapidement problème pour le recueil de réponses de type PEASP chez le patient malentendant: en effet, pour des stimuli d’audibilité identique, le patient malentendant aura besoin d’une intensité supérieure, avec un risque de contamination artéfactuelle rapidement accru. Utiliser des intensités de stimulation plus modérées (par exemple 30 dB au-dessus du seuil du sujet au lieu de 60 dB) amène à poser la question de la caractérisation précise des speech ABR, c'est-à-dire caractériser non seulement les latences des 2 types principaux de réponses (onset réponse et réponse de type FFR), mais également les amplitudes et durées obtenues pour toute une gamme d’intensités. Connaître le seuil de détection d’une réponse de type speech ABR semble indispensable à une ultérieure application clinique, en particulier chez les patients malentendants. En effet, il semble probable que les différents composants des Speech ABR soient affectés différemment par les intensités de stimulation utilisées (Skoe and Kraus, in press). Enfin, il semble important de caractériser la variabilité inter-individuelle des différentes paramètres en fonction de l’intensité de stimulation, élément qu’il nous était impossible de faire avant la mise au point de la technique d’enregistrement, qui nous permet aujourd’hui le recueil de réponses à l’échelon individuel.

La stimulation est monaurale droite, en effet, une étude précédente menée par Hornickel et al 2009, met en évidence la latéralisation du traitement du langage vers l’hémisphère gauche. En effet, l’envoi d’un /da/ en monaural à l’OD puis à l’OG met en évidence un retard dans les réponses de l’oreille gauche par rapport aux réponses de l’oreille droite avec des réponses spectrales de la RSF plus amples dans l’oreille droite. Par contre, il n’y aurait pas de différence entre l’oreille droite et l’oreille gauche au niveau de l’onde V en réponse à un clic. Ainsi, la préférence de l’oreille droite pour le codage des sons de parole commence dès l’arrivée du message dans le tronc cérébral.

En utilisant le même montage d’électrodes, nous recueillons les réponses auditives de type PEAP, et PEASP à 7 intensités différentes, ce qui nous permettra de comparer l’évolution de l’onde V des PEAP en fonction de l’intensité de stimulation, à celle de la réponse de type « Onset Response » des Speech ABR. En effet, la réponse de type « onset » est classiquement comparée à l’onde V des PEAPs. Si une excellente corrélation est obtenue entre la fonction Entrée/Sortie des PEAP et celle des Speech ABR, le PEAP permettrait de déterminer avec précision à quelle intensité le PEASP ou « speech ABR » pourrait être effectué. En effet, un seuil de PEAP peut-être effectué en une dizaine de minutes, alors qu’une seule trace de PEASP demande entre 10 minutes et 20 minutes. Pour des applications cliniques notamment chez l’enfant, où la rapidité du test est importante, pouvoir choisir l’intensité de stimulation optimum sans avoir à répéter plusieurs traces de PEASP, semble un paramètre important.