Au début du Xe siècle, Cluny n’était qu’une simple villa de l’ager Rufiacensis située dans le pagus de Mâcon. En 825, Cluny se trouverait mentionnée parmi les possessions des chanoines de Saint-Vincent de Mâcon638. La même année, elle fait partie d’échanges de terres entre l’évêque Hildebaud et le comte de Mâcon, Guérin. L’acte est confirmé par l’empereur Louis le Pieux639. Ces trois premiers documents sont parvenus jusqu’à nous grâce à des copies tardives du XIIe siècle. Il faut donc être prudent dans leur utilisation. En 893, Ava cède le territoire au comte d’Auvergne Guillaume le Pieux. Il s’agirait du premier document original mentionnant la villa de Cluny.
Le 11 septembre 909 ou 910640, le duc d’Aquitaine Guillaume le Pieux donne aux apôtres Pierre et Paul la terre de Cluny afin que soit construit un monastère régulier où une communauté de moines puisse vivre selon la règle de saint Benoît. Avec la donation, les moines deviennent les possesseurs de biens « qu’ils posséderont, tiendront, auront et ordonneront perpétuellement ».641 Un lieu de prière devra être établi afin que les vœux et oraisons s’accomplissent. Le monastère devra accueillir les pauvres, les indigents, les étrangers et les pèlerins. Guillaume dispose Bernon à la tête de la communauté qu’il devra diriger sa vie durant. À sa mort, les moines pourront choisir librement leur nouvel abbé dans le respect de la règle de saint Benoît. Il place la communauté sous la protection des apôtres avec l’intercession du Pape. Aucune autorité séculière ou ecclésiastique, pas même celle du pontife romain ne pourra porter atteinte aux biens de Cluny.
Bernon à qui Guillaume confie le monastère de Cluny est abbé de Gigny et de Baume-les-Messieurs dans le Jura. Il possède aussi la cella de Saint-Lothain, le couvent de Mouthier-en-Bresse et deux villas. Après 910, l’abbé de Cluny acquiert dans le Berry, le domaine de Déols où un monastère est fondé en 917 et l’abbaye de Massay près de Vierzon. Des moines sont aussi installés à Souvigny dans une localité donnée par Aymard de Bourbon en 916-917642. Par ailleurs, Guillaume le Pieux fait le don de quelques biens sur le territoire de Sauxillanges qui deviendra par la suite un important prieuré. Tous les monastères que dirige Bernon gardent un caractère de biens personnels. À sa mort, en 927, les possessions sont partagées selon les clauses d’un testament entre un membre de la famille de Bernon, Guy et le moine Odon. Le cousin de l’abbé reçoit les monastères de la Bourgogne jurassienne, c’est-à-dire Baume, Gigny, Mouthier et Saint-Lothain. Odon devient abbé de Cluny, dans le comté de Mâcon. Il hérite aussi des couvents placés dans la zone d’influence des comtes d‘Auvergne.
SVM 55
CLU 4 et 5.
Sur l’ambiguïté de la date du document, voir Marcel Pacaut, 1986, p. 54. CLU 112.
Eo siquidem dono tenore, ut in clugniaco in honore apostolorum Petri et Pauli monasterium regulare construatur, ibique monachi juxta regulam sanct benedicti viventes congregentur, qui ipsas res perhennis temporibus possideant, teneant, habeant atque ordinent.
CLU 217