III.1.2. Cluny sous Odon, son deuxième abbé

Le nouvel abbé aurait été le scribe de la charte de fondation de Cluny. Son parcours nous est connu par une vie établie à l’origine par un proche, le moine Jean de Salerne. Odon serait né dans une famille aristocratique proche de la cour des Willelmides. Il renonce très tôt au monde laïc et devient chanoine de Saint-Martin-de-Tours. Après avoir suivi l’enseignement de Rémi d’Auxerre, il revient à Saint-Martin-de-Tours comme écolâtre. Sous l’influence d’Aldegrin643, il décide de se retirer du monde dans le Jura. Vers 905, il devient convers à l’abbaye de Baume-les-Messieurs alors dirigé par Bernon. Plus tard, il reçoit la prêtrise et il est établi comme écolâtre. En 924, suite à des différends avec Guy, devenu abbé de Baume, il est contraint de quitter le Jura pour Cluny. À la tête du monastère mâconnais, il s’impose par son autorité et par ses talents d’intellectuel.

Odon est considéré dans les documents clunisiens comme le véritable père fondateur de Cluny. Le monastère devient le foyer de la réforme bénédictine. Le saint abbé est appelé pour réformer d’anciennes abbayes et pour fonder de nouvelles communautés. En 929, l’impératrice Adélaïde lui confie le monastère de Romainmôtier. Charlieu est cédé quelque temps plus tard. Odon restaure la discipline à Fleury, à l’abbaye Saint-Géraud d’Aurillac, ou encore à Saint-Sauveur de Sarlat, Saint-Julien de Tours ou Saint-Pierre-le-Vif à Sens. Il agit en Italie, à Saint-Paul-hors-les-Murs, à Sainte-Marie-sur-l’Aventin, ou à Saint-Pierre-au-Ciel-d’Or de Pavie. Il ne s’agit pas de créer des relations de dépendance avec Cluny mais plutôt de faire rayonner une certaine conception du monachisme bénédictin dans la tradition d’Aniane. Odon reçoit en cela l’appui de la papauté. En 931, confirmant la volonté du fondateur Guillaume concernant l’immunité et la libre élection de l’abbé, le pape Jean XI autorise l’abbé à recevoir tous les monastères désireux de pratiquer la nouvelle observance et d’accepter tout moine dont l’abbé refuserait la réforme644. Ce privilège fait de Cluny un monastère uniquement soumis à Rome. Cluny acquiert une totale indépendance vis-à-vis des pouvoirs séculiers. En 936 et 937, le pape Léon VII reconduit les protections pontificales.

Parallèlement à cette extension de la réforme clunisienne, les possessions du monastère grandissent dans le Mâconnais. Les chartriers de Cluny recensent 188 donations sous l’abbatiat d’Odon. Dans le contexte favorable de bonnes relations, Cluny acquiert de l’évêque de Mâcon plusieurs églises avec leurs revenus ce qui n’est pas sans poser des questions d’ordre juridique sur le statut des sanctuaires et sur le paiement de la dîme. À la mort d’Odon, la petite communauté dépendante de Gigny est devenue une abbaye bien établie et un des principaux foyers de la réforme monastique.

Notes
643.

Ancien proche du comte Foulques Ier d’Anjou, Aldegrin aurait été converti à l’idéal monastique par Odon. Jean de Salerne fait d’Aldegrin un personnage important puisque c’est sur les recommandations du saint homme qu’Odon entre au monastère de Baume. Aldegrin apparaît aussi comme un juste qui convainct Odon de la sollicitude de Bernon face aux mauvaises accusations proférées contre l’abbé par certains moines dirigés par Guy. Par la suite, Aldegrin se retire en ermite dans un lieu qui selon la tradition correspond à une grotte proche du monastère jurassien. Voir à ce sujet Gérard Moyse, 1978, p. 27-29.

644.

Didier Mehu, 2001, p. 69-70