III.3.3.2. Des capacités hydrauliques reconnues

Les capacités hydrauliques des rivières du Mâconnais et du Clunysois ont été amplement utilisées. Les données que nous possédons sur la période moderne montrent que la densité des installations est très forte sur ces cours d’eau généralement modestes.

Dans son ouvrage de 1838 sur les communes du département de Saône-et-Loire, Camille Ragut donne l’ampleur des implantations de moulins. Il mentionne en effet 272 installations pour la région regroupant le Mâconnais et le Clunysois et les marges du Beaujolais et du Chalonnais. 219 sont des moulins à blés, 32 des huileries, 11 des foulons ou des battoirs et 10 des scieries1009. Un peu plus tard, l’annuaire de Saône-et-Loire permet d’envisager vers le milieu du XIXe siècle l’existence de 289 installations dont 235 moulins, principalement à blé, puisant essentiellement leur énergie du fil de l’eau1010.

Au milieu du XIXe siècle, à un moment où l’on peut estimer que l’utilisation de force hydromécanique est maximale, la zone du Clunysois et du Mâconnais est une région qui comporterait principalement des moulins ne faisant fonctionner qu’une roue hydraulique. On peut supposer par ailleurs que le nombre de 250 à 300 moulins qui se dessine dans l’inventaire de Monnier pourrait correspondre à une limite dans l’équipement des cours d’eau arrosant la région située globalement entre Grosne et Saône. Près de trente ans plus tard, en 1884, Théodore Chavot marque une nette régression du nombre de moulins dans le Mâconnais1011. Le XIXe siècle est une période de fortes mutations de la société et des moyens de production. Si les inventaires permettent d’affirmer que les petits cours d’eau de la région ont été largement exploités, il n’apporte que peu d’indications sur ce que pouvait être antérieurement l’équipement en moulins.

En revanche, la carte Cassini, levée pour la région en 1757 et 17581012 donne une première estimation des moulins avant le grand développement économique du XIXe siècle. 187 moulins sont recensés par Cassini pour la région située entre Saône et Grosne. Si l’on resserre l’étude au Mâconnais, le document relève 99 installations hydrauliques (fig. 112). Les informations ne donnent peut-être qu’une vision approximative du nombre réel de moulins.

Le but de la carte géométrique de la France établie dans le courant du XVIIIe siècle est de donner les éléments qui permettent d’identifier un paysage. Les villages, hameaux et écarts sont reportés. Afin de pouvoir les identifier plus facilement, les caractéristiques de chaque lieu de peuplement sont codifiées à l’aide de symboles. Représentés par des cercles munis de traits rayonnants qui figurent des roues à pales, les moulins de la carte sont essentiellement des écarts. En revanche, les installations hydrauliques qui pourraient se trouver englobées dans le contexte d’un hameau ou d’un village n’offrent plus d’intérêt de localisation. Le moulin de Cormatin1013 n’est pas représenté sur la carte, pas plus que celui de l’abbaye de Cluny. Il est aussi possible d’envisager un système d’éclipse similaire pour les moulins de Prayes et de Culey, ou encore celui de Champlieu, tous installés sur le Grison dans l’environnement immédiat des agglomérations. Malgré cette difficulté d’appréciation, le nombre de moulins notés sur la carte reste très important.

Le document du milieu du XVIIIe siècle reste donc malgré ses limites un élément significatif de la connaissance de l’équipement hydraulique. Il offre aussi une passerelle obligée si l’on veut identifier les moulins mentionnés dans les documents médiévaux.

Notes
1009.

Camille Ragut, 1838.

1010.

Chez Monnier, il faut cependant rester prudent pour le cas des huileries. L’auteur donne rarement d’indication sur le moteur. Sur les 30 huileries signalées, 4 sont précisément citées sur un cours d’eau. Une autre utilise une machine à vapeur. Les huileries apparaissent toutefois installées sur les communes arrosées par un cours d’eau. On peut envisager que le principal de ces dernières installations fonctionnait au gré de l’eau.

1011.

En 1838, Camille Ragut compte 169 installations dont 134 moulins à blés sur la région du Mâconnais. En 1856, M. Monnier recense 199 équipements dont 145 sont utilisés pour la mouture des céréales. En 1884, Théodore Chavot comptabilise 87 moulins. Aux deux extrémités chronologiques de cette période, la carte de Cassini représente 99 moulins, et les cartes de l'Institut Géographique National permettent de repérer 93 moulins. Ces chiffres restent des données brutes qu’il faut pondérer de différentes façons. En particulier, Théodore Chavot n’a peut-être pas mentionné la totalité des sites. Mais, les écarts sont si importants qu’ils ne peuvent pas s’expliquer simplement en tenant compte des manques de correspondance entre les analyses.

1012.

Carte de Chalon-sur-Saône levée en 1757. Carte de Mâcon levée en 1758. LA cartographie de la région se situe dans les débuts de la couverture de la France qui se termine juste avant la Révolution.

1013.

Le moulin de Cormatin est connu au XVIIIe siècle. Il est asservi par le seigneur du lieu. Placé à l’est de la Grosne, il comporte deux roues et trois vannes. ADSL C 744 n°14.