III.3.4. Conclusion

Le panorama qui vient d’être dressé sur le Mâconnais et sur l’implication des moines dans l’acquisition de machines permet de dresser un premier bilan.

Des moulins sont déjà établis dans la région dans la première moitié du Xe siècle. L’intérêt des moines à disposer très tôt de moulins permet de remarquer que vers 950, la Grosne était bien équipée en roues. Malheureusement, la connaissance de l’équipement hydraulique avant le Xe siècle nous échappe en grande partie compte tenu du manque de données.

Les moines sont devenus progressivement propriétaire de dizaine de moulins dans une bonne partie du Mâconnais. On trouve des moulins clunisiens sur la Petite Grosne, sur la Mouge, dans une moindre mesure sur la Bourbonne. Cependant, il apparaît que les religieux ont favorisé les acquisitions sur le bassin de la Grosne, et particulièrement sur le drain. L’échange des terres et du moulin de Chassagne au profit des moines contre la donation d’un manse avec moulin à Lugny est symptomatique de ce phénomène d’appropriation de la vallée de la Grosne par le monastère. À la fin du XIe siècle, Cluny devient un maître omnipotent de la puissance hydraulique de la Grosne sur un tronçon situé entre Mazille et la Chapelle-de-Bragny.

Certains moulins vont disparaître. La mise en eau du Grand-Étang pourrait avoir été à l’origine de l’abandon de moulins au sud de Cluny. Au nord, deux moulins donnés au monastère dans le courant du Xe siècle n’auront pas la destinée de certains sites comme Merzé ou Massilly. Les moulins qui pourraient être localisés à Chassagne (nord de Merzé) et à Tillouzot (nord de Massilly) n’ont pas eu beaucoup d’avenir. Il est possible de tenter des explications sur ces disparitions de moulins. Au nord de Cluny, les moulins qui ont persisté ne sont pas placés n’importe où sur la Grosne. Ils occupent un emplacement où le lit de la Grosne est soumis à une pente un peu plus forte qu’en moyenne. On peut aussi envisager que les moulins situés près des nouveaux bourgs aient plus de facilité pour persister. C’est une possibilité que l’on peut avancer pour Massilly, Taizé ou encore Chazelle. Mais, en revanche, plusieurs moulins apparaissent isolés, du moins dès que l’on observe leur environnement immédiat. Et justement, une des caractéristiques de la vallée de Grosne, aussi bien au sud qu’au nord de Cluny, est sa désertification. Nous aurons l’occasion de nous pencher sur ce phénomène et de définir en quoi les moines sont responsables de l’organisation d’un paysage humain déséquilibré au profit en particulier de la ville de Cluny.