La documentation moderne livre plusieurs renseignements sur les adductions ayant pu servir le monastère.
Les descriptions de Benoît Dumolin et de Bouché de la Bertillère ne livrent que peu d’informations sur l’adduction des moines. Les deux auteurs mentionnent uniquement le bassin ovale qui était situé au centre du cloître du XVIIIe siècle1215. De plus, dans les notes de Philibert Bouché de la Bertillère, nous tenons l’information de la récupération en 1802 des conduites de plomb permettant le fonctionnement du bassin du préau du cloître1216.
Après 1791, la transformation de l’espace fermé du cloître en place publique n’a pas été sans problème d’ordre réglementaire et technique. La municipalité impose aux différents bailleurs puis propriétaires des contraintes conservatoires assurant la protection des égouts de l’abbaye mais aussi du système d’adduction du bassin du cloître et des anciennes fontaines monastiques1217. Le réseau d’assainissement devait notamment être conservé dans son dispositif ante révolutionnaire et être si besoin réparé. Malheureusement, Les contraintes ne supposaient pas le curage régulier des conduites. Par ailleurs dans cette période de transition des pouvoirs, certains ont pu déroger à la loi républicaine. En 1802, la destruction des conduites de plomb de la fontaine claustrale et la vente des matériaux sont liées à l’acte privé et totalement responsable du prêtre de Saint-Point, à la déconvenue des officiers municipaux1218.
C’est la lecture des plans-terriers du XVIIIe siècle et des cadastres du XIXe siècle qui offre les premiers indices tangibles permettant de circonscrire les sources qui ont été potentiellement captées par les religieux.
La fontaine de Ruffey semble être captée dans les plans-terriers du XVIIIe siècle (fig. 130). Un des documents signale que la fontaine est abolie. En contrebas de la ferme de Ruffey à peu de distance de la fontaine abolie se trouve la fontaine du regard qui correspond dans le document à la naissance du Médasson. La représentation de la fontaine abolie est intéressante. Elle est constituée d’une forme pratiquement circulaire. Partant de la source, deux bras d’eau disparaissent assez rapidement. Le premier meurt en limite de parcelle après avoir traversé le chemin embranché sur la route de Cluny à château. Situé un peu plus au nord, le second fil d’eau s’interrompt contre la bordure occidentale du chemin allant à la fontaine du Regard. En revanche, le cadastre de 1843 signale une source dont les eaux se forment immédiatement en cours d’eau. Les différentes planches sont suffisamment précises pour que la fiabilité de l’information ne soit pas mise en doute. Les documents situeraient deux états de la source. Dans les plans les plus anciens, à un moment où l’abbaye est encore en activité, la source est apparemment tarie. L’existence de deux écoulements laisse envisager que nous sommes en présence non pas d’une source naturelle mais d’un aménagement hydraulique. Dans le cadastre du XIXe siècle, le Médasson aurait retrouvé sa première source car les eaux de celle-ci ne sont plus orientées vers une conduite d’adduction. Il faut avoir recours à un ensemble de documents plus tardifs pour s’assurer de l’utilisation de la fontaine de Ruffey par les moines. Il s’agit des premières études relatives au projet d’alimentation eau de la ville de Cluny. Au milieu du XIXe siècle, le manque d’eau potable s’avérait très préoccupant pour les habitants de Cluny1219. Les besoins en eau de fontaine à Cluny poussèrent certains architectes ou ingénieurs à s’intéresser à l’ancien système d’adduction du monastère. En 1845, le rapport de l’architecte voyer de la ville de Cluny envisage la réutilisation de l’adduction du monastère du XVIIIe siècle pour les besoins des habitants des quartiers de l’abbaye et du Marché. La source qui est indiquée dans le texte est justement celle qui se trouve à proximité de Ruffey1220. Dans les délibérations municipales de 1933, la source de Ruffey est clairement identifiée comme la source des moines1221.
S’il situe l’emplacement de la source, le texte de 1845 fournit de nombreuses indications sur le parcours de la conduite entre la source et l’abbaye. Après avoir été captée, l’eau entre dans un bassin octogonal. L’eau est transportée par des conduites en pots de terre cuite enveloppées de ciment et béton. La conduite traverse les prés Mutin, le ruisseau du Médasson, les prés Chanut. Arrivé à l’intérieur de la ville, le réseau est muni d’un regard. Il traverse la rue de l’Écartelée. L’eau débouche dans un autre regard qui est creusé au niveau d’une maison placée sur le côté ouest de l'actuelle rue Joséphine Desbois. Après avoir traversé le Médasson et la rue Mercière, la conduite débouche finalement dans un grand réservoir implanté à l’intérieur des murs de l’abbaye. Un plan de 1864 complète les informations données par le texte (fig. 131)1222. La conduite traverse les murs de la ville directement au sud de la tour de Poble. Un premier regard se situe juste après le passage du mur d’enceinte. Ensuite la canalisation traverse l’ensemble du quartier situé au sud de la rue du Merle. Elle passe la rue de l’Écartelée. Avant de traverser les rues Joséphine Desbois et Mercière, les eaux sont recueillies dans un regard. Une fois franchi le mur de l’abbaye, le conduit se sépare en deux branches. La première part alimenter le bassin situé au centre du cloître, la seconde se dirige en direction de l'aile sud des bâtiments du XVIIIe siècle, là où se trouvent le dernier lavabo des moines et la cuisine du monastère. Le plan mentionne le tracé d’une deuxième conduite autonome de la première. Celle-ci traverse le mur d’enceinte de la ville au nord de la rue du Merle pour ensuite longer la bordure nord de la rue d’Avril. Elle passe le mur d‘enceinte de l’abbaye à la hauteur de la porte d’Honneur. Puis, la canalisation s’interrompt devant le palais Jean de Bourbon.
Benoît Dumolin, f° 65. Bouché de la Bertillère, t. VII.
Philibert Bouché de la Bertillère, t. VII, note 1120.
ACC série M 4.
Bouché de la Bertillère, t. VII, note 1120).
Les habitants disposaient de trois fontaines et de plusieurs puits ce qui n’était pas suffisant. La salubrité même de l’eau est mise en cause. En 1884, les habitants de la place Notre-Dame se plaignent que la fontaine qui se trouve sur la place de l’église ne fournit plus que de l’eau trouble et non potable (ACC II O 4, n° 71, 72 et 74). L’eau manque souvent. La fontaine notre-Dame ne fournit pas constamment. Les pompes se tarissent souvent (ACC M12 n°40). La salubrité de certains puits est remise en cause. L’eau des puits de l’École Normale Spéciale est directement incriminée lors d’une épidémie qui touche les élèves.
ACC M12 n°40.
RDM séance du 2 septembre 1933. À cette époque, les sources de Ruffey et du Regard sont, compte tenu d’une sécheresse importante, en baisse notable. Elles ne donnent plus que 90 m3 d’eau par jour.
Plan d’indication des réservoirs, puits, pompes et fontaines publiques de la ville de Cluny, dû Architecte Voyer de la ville de Cluny, 1er septembre 1864. ACC C132.