d. Les conduites à l’intérieur du monastère

À proximité ou à l’intérieur du monastère, les observations sur les réseaux d’adductions sont rares. Les fouilles du préau du cloître effectuées par Kenneth John Conant ont permis de mettre en évidence les vestiges d’une conduite pouvant appartenir à l’adduction du bassin du XVIIIe siècle1223. Seule la chemise maçonnée permettant de protéger la conduite proprement dite, vraisemblablement en plomb, est conservée. Par ailleurs, lors de l’intervention dans le transept, l’archéologue américain a retrouvé une réduction de sépulture encadrée par deux rigoles en grès arkose1224. Ces éléments ont été redécouverts au moment des fouilles réalisées en 1994 dans le bras sud du transept (fig. 134).

Les fouilles du bras sud du transept ont été l’occasion de mettre en évidence trois conduites dont une pourrait éventuellement appartenir à une adduction. Les deux canalisations qui se succèdent traversent en diagonale le bras sud du transept de la porte donnant sur la cour de la Congrégation à la travée du collatéral sud située à l’est du transept. La suite de ces éléments a été retrouvée lors d’un sondage établi au niveau de la chapelle Saint-Léger. Cette chapelle est située dans le bras sud du petit transept de l’abbatiale (fig. 135 à 139)1225.

La conduite la plus ancienne est installée en partie sur le comblement d’une tranchée de drainage antérieure. L’aménagement se développe de manière rectiligne sur 9 m de longueur. La tranchée qui permet l’installation de la structure à une ouverture de 0,80 m de large pour une profondeur moyenne de 0,45 m. La conduite est constituée de parois de deux assises en moellons équarris qui réservent un canal étroit de 8 cm de large sur 10 cm de profondeur en moyenne. Il n’y a pas de radier construit. La couverture a complètement disparu. Apparemment, la canalisation poussait l’eau en direction de l’est dans le collatéral sud, puis se dirigeait vers la chapelle Saint-Léger avant de se prolonger vraisemblablement à l’extérieur du petit transept. Sur la section reconnue dans le grand transept, la pente moyenne, de l’ouest vers l’est, est de l’ordre de 2 cm par m. Les différences altimétriques qu’il est possible de remarquer entre la section du grand transept et celle du petit transept laissent envisager que cette pente se poursuive sensiblement tout au long de son parcours dans le petit collatéral sud1226. À l’ouest dans la cour de Congrégation, il est possible de percevoir la suite des canalisations. Cependant, compte tenu des perturbations modernes, les vestiges sont plus difficiles à identifier. De ce côté, les tracés de deux tranchées peuvent être perçus. Le premier longe le mur gouttereau sud de l’église. La tranchée est en partie creusée dans les fondations des contreforts romans. La seconde part en diagonale et glisse sous la chapelle de la Congrégation. À ce niveau, un tuyau de plomb est encore engagé dans la conduite. Afin de faciliter le passage des réseaux, les fondations situées sous le seuil permettant l’accès au transept ont été aménagées. Il apparaît donc logique que les conduites de la cour de la Congrégation puissent correspondre aux deux canalisations du transept dont l’élément qui pourrait être éventuellement attribué à une adduction.

Les caractéristiques de la conduite sont problématiques si l’on envisage qu’il s’agisse non pas d’une adduction mais d’un drain. La section laissée pour l’écoulement de l’eau est très faible pour accueillir les eaux de pluies. Par ailleurs, sa hauteur d’implantation est placée au-dessus du niveau de battement de la nappe aquifère. Une hypothèse plus probable supposerait que les vestiges correspondent au chemisage d’un tuyau de plomb qui aurait été récupéré par la suite. Il serait alors tentant de lier cet élément avec la canalisation à tuyau de plomb retrouvée dans la cour de la congrégation. Si cela s’avère possible, la chronologie établie dans la cour de congrégation ne permet pas de faire remonter la construction de cet élément hydraulique à une période haute. Le passage de la conduite a nécessité le percement d’un mur dont la création a permis la mise en place d’un couloir permettant la liaison entre la porte orientale de la chapelle de la Congrégation et la porte occidentale du transept. Cet axe de circulation n’est pas visible sur le projet des architectes Belin et Gauthey daté de 1771. En revanche, il a été représenté sur le plan de l’abbaye établi en 1790. Le couloir pourrait donc avoir été construit entre ces deux dates. La conduite pourrait elle aussi être placée au plus tôt dans les derniers états du monastère.

À l’opposé du secteur de l’église, les traces de conduite composées de boue fine séchée ont été mises en évidence à proximité de la vasque nord du lavabo du XVIIIe siècle (fig. 140).

Une autre découverte a été effectuée de manière fortuite sur la place située devant le palais du pape Gélase. En 1990 une tranchée préalable à l’installation de câbles téléphoniques a sectionné une canalisation en terre cuite Elle était constituée de pots en terre cuite vernissée à l’intérieur. La longueur des pièces est de l'ordre de 51 cm. Le diamètre extérieur se place entre 11 cm du côté de la partie femelle et 8 cm vers la partie mâle. La section interne dépasse légèrement 5 cm de diamètre (fig. 134). Les pots, emboîtés les uns dans les autres, étaient protégés par une couverture de grandes tuiles en V. L’emplacement de cette découverte est intéressant car il pourrait sensiblement correspondre au tracé représenté dans le plan de 1864. La conduite pouvait donc alimenter le bassin du cloître XVIIIe siècle. Les caractéristiques techniques comme la présence de glaçure interne et d’une pâte claire plaident de toute façon en faveur d’une datation moderne des pots de terre cuite.

L’essentiel des éléments retrouvés au cours des différentes interventions archéologiques est à mettre en relation avec l’adduction moderne du monastère. Cependant, les fouilles réalisées en 2008 sous la direction d’Anne Baud et de Christian Sapin permettent de mettre en évidence un élément qui peut éventuellement être associé à l’adduction du monastère médiéval. Il s’agit d’un petit arc percé dans le mur de la galerie orientale. Dans l’état actuel de l’analyse, il apparaît possible d’associer cet élément de construction avec le passage d’une conduite d’adduction provenant de l’aile sud du cloître, peut-être du lavabo et se dirigeant vers l’est en direction de l’aile de l’infirmerie

Notes
1223.

Kenneth John Conant, Pit LXVI.

1224.

Kenneth John Conant, Pit 90.

1225.

Anne Baud, 1995, p. 5-6,

1226.

À l’ouest du Grand transept, 237,97 m. Dans la chapelle Saint-Léger, 237,50 m.