3. L'acquisition du langage en mouvement

Le mouvement semble être une caractéristique centrale des premiers développements langagiers, non seulement parce que parler c’est mettre en mouvement, mais aussi parce que le langage permet d’agir à distance, ce qui explique peut-être que la symbolisation du mouvement n’en soit jamais une reproduction mimétique. Pour exprimer le mouvement, il faut que l’enfant s’approprie le langage, et qu’il choisisse, en « apprenti énonciateur » (Morgenstern, 1995) les premières constructions qui lui permettront de faire référence à cet ensemble notionnel. Nous commençons par proposer, sur la base de repères développementaux reconnus (qu’ils soient issus d’observations menées en situation écologique, c’est-à-dire d’enregistrements d’interactions réalisés au domicile, ou en laboratoire) une conception dynamique de l’acquisition du langage. Se pose alors la question de savoir à partir de quel(s) ensemble(s) théorique(s) nous serions plus à même d’en rendre compte. Après avoir proposé une réflexion sur le rôle et l’impact des outils théoriques qui visent à expliquer ces développements successifs, nous présentons et discutons les deux champs principaux dans lesquels s’inscrivent les recherches actuelles. Pour mieux situer notre travail au sein du second champ, souvent appelé constructionniste, nous présentons deux points de débat (le premier porte sur le statut des variations observées, le second, sur l’apprentissage statistique) à partir desquels se dessine une définition de notre objet d’étude : les productions langagières de tout jeunes enfant, telles qu’il nous est donné de les observer dans un cadre interactionnel familier. Enfin, nous abordons les hypothèses liant perception, cognition et langage : à supposer qu'il existe un lien entre les premières expériences motrices et les premières évocations langagières qui s'y rapportent, l'expression du mouvement pourrait bien avoir un rôle fondateur dans l'acquisition du langage.