2.1. Les suivis longitudinaux

Les suivis longitudinaux constituent le socle de notre étude. Ils nous intéressent d’abord pour leur caractère « écologique » : il s’agit d’observations dans un contexte naturel (le domicile), et les activités des dyades filmées sont celles qui auraient été choisies aussi si la caméra n’avait pas été là. L’enfant peut librement aller chercher dans sa chambre les jouets qu’il veut, il retrouve des situations et des personnes familières (certains enfants mettent plus de temps que d’autres à s’habituer à la présence de la caméra, et, le cas échéant, à la personne qui filme.) Ce choix méthodologique pose cependant un certain nombre de problèmes.

Pour les résumer, on peut partir du constat de ce que les corpus ne constituent pas un échantillon de données représentatif des compétences verbales des locuteurs en présence : d’après Tomasello et Stahl (2004) ils constituent tout au plus 5% des productions de l’enfant. Si l’on voulait rendre cet échantillon représentatif, il faudrait non seulement constituer un corpus beaucoup plus dense, mais aussi contrôler d’autres variables, notamment la variété des situations d’enregistrement, le type d’activité, etc. La seule solution qui mette un terme à ce type de problème est l’enregistrement en continu, tel par exemple qu’il a été entrepris dans le cadre du projet ‘The Human Speechome’ : mais de tels dispositifs demandent des moyens considérables et imposent des contraintes incommensurables aux familles qui acceptent de se prêter au jeu. Et même dans le cas d’un recueil très contraint et/ou très dense, la dimension individuelle de chaque suivi ne peut jamais être complètement gommée, si bien qu’il est toujours difficile de comparer différents suivis (cf. infra, et Lewedag, Oller et Lynch, 1994 ; Lewis et Gregory, 1987).