2.3.1. Codage

Pour voir si véritablement les premières productions langagières sont ancrées dans un contexte discursif impliquant le mouvement, nous avons établi un codage situationnel des premières productions correspondant à des noms ou verbes dans la langue cible adulte, sur la base des enregistrements vidéo : il s’est agi essentiellement de déterminer si l’objet ou la personne désignée étaient en mouvement ou statiques, ou si l’action désignée impliquait un mouvement –qu’il s’agisse d’un déplacement ou d’une activité. Nous avons codé statique lorsqu’il n’y avait pas de mouvement, d’action ou activité perceptible. Un tel choix présente l’avantage de réduire presque à néant la charge de l’interprétation, qui correspond à une simple lecture de la situation, mais il revient à déterminer le sens des mots en fonction du contexte, et non de leur sémantisme propre. Ainsi par exemple l’enfant peut désigner la « musique » dans un énoncé sans verbe, mais qui constitue une requête formulée en tendant la boîte à musique à sa mère, c’est-à-dire dans un contexte qui montre bien que l’enfant veut « faire de la musique », et désigne donc autant l’objet que l’activité qu’il permet. Bien entendu, cette détermination contextuelle du sens des premiers mots ne revient pas à dire que l’enfant parle uniquement ou d’abord du mouvement, et l’objet de ce codage n’est pas d’en décider.

Pour les absents, ou événements hors champ, nous avons procédé comme suit : lorsque l’enfant parle d’un objet ou d’une personne parce qu’il l’entend au loin faire quelque chose, nous avons codé mouvement, mais en l’absence d’éléments audibles, sinon visibles, suggérant que la production de mot puisse être liée au mouvement, nous avons codé « statique ». Les évocations vagues et/ou abstraites n’ont pas été codées : par exemple lorsque l’enfant disait « papa » ou « maman » sans que le référent ne soit clairement accessible.

D’un point de vue pragmatique, les dénominations ont le plus souvent été codées « statique » : ainsi des dénominations d’objets statiques (avec ou sans pointage) sans manipulations ou actions avec ou autour de l’objet. Pour les dénominations qui avaient lieu au cours d’une activité, nous codé « mouvement » seulement si la dénomination était en lien avec l’exécution d’un mouvement, par exemple :

La mère:regarde.

La mère:tu joues le la.

La mère:i(l) faut appuyer sur le piano.

La mère:regarde.

(La mère montre à Théophile l'accordeur qui réagit au son du la.)

La mère:joue le la.

Théophile:0.

(Théophile joue le la)

La mère:tu vois la: (elle chante).

Théophile:la (en jouant à nouveau le la)

%pho:la

Séquence 8 : Théophile (1;08) joue du piano avec sa mère

De même lorsque l’enfant nomme un élément de son entourage pour demander que s’accomplisse une action à laquelle il associe couramment cet élément (par exemple lorsque l’enfant touche le robinet et dit « eau »), nous avons codé « mouvement ».

S’il s’agit, nous l’avons dit, d’un codage situationnel, mais il faut ajouter que celui-ci se base aussi en partie sur une interprétation adulte des propos de l’enfant : nous avons donc utilisé en priorité les interprétations proposées par les parents, et en leur absence, lorsqu’il fallait lever une ambiguïté, nous avons produit des gloses adultes du type : « je joue le la », « on va faire couler l’eau », pour les désignations dynamiques, ou « c’est la clé » pour les désignations statiques.