2.1.2. Que peut-on légitimement attendre de la typologie ?

La typologie comme outil

Si nous avons examiné et discuté les acquis de la typologie, c’est qu’ils récapitulent les différences inter-langues et en tant que tels constituent un point de départ, ou un indicateur. Soulignons cependant qu’en aucun cas on ne peut adopter une approche à proprement parler typologique avec les données d'acquisition du langage : l'apport de la typologie à la psycholinguistique est donc à sens unique (Slobin, 1997a), et il n'est pas question d'enrichir la typologie sur cette base. C'est surtout la nature des données qui impose cette restriction, parce que, nous l’avons expliqué, l’on ne travaille pas avec des grammaires constituées mais en construction : si déjà la grammaire des locuteurs diffère de celle des linguistes, celle des enfants s'en éloigne bien plus encore (François, 1984, Slobin 1997a).

Tout au plus pourrait-on apporter à la typologie une caution plus ancrée dans l'usage, dans une perspective fonctionnaliste :

‘« One cannot make claims about the acquisition or use of a grammatical form without situating it typologically in a network of interactive psycholinguistic factors. Some of these factors are a consequence of online information processing at the clause level, while others require attention to the organization of information in connected discourse. As a result, the acquisition and development of any linguistic form or construction must be considered in the light of its “functional load” within the language and speech community. »(Slobin, 1997a : 35)’

Appliquée à l’étude de l’acquisition du langage, la typologie sert à repérer si ces contraintes informationnelles et discursives sont valables seulement pour une famille de langues donnée, ou pour un ensemble plus vaste. Il importe donc de repérer les différences typologiques pertinentes à chaque étape du processus, et nous avons montré (chapitre I, 2.2.4) en quoi ce type de questionnement relativement récent avait pu remettre en cause tout ou partie de nos connaissances sur l’acquisition du langage, mais aussi comment il a donné lieu (quoique de manière indirecte) à une réflexion sur la place du locuteur.