Typologie et locuteur

L’application des acquis de la typologie à l’acquisition du langage suppose que l’enfant soit sensible aux caractéristiques typologiques de sa langue (Slobin, 1997a : 2). Or cela ne va pas de soi, en particulier au début. Une partie de notre travail consistera justement à déterminer si les différences inter-langues sont significatives dès le début, ou si d’autres modes de structuration interviennent d’abord.

D’autre part, les différences typologiques reposent sur une analyse de la langue en termes de prototypie : ce sont les constructions les plus prototypiques qui sont considérées, et les prototypes sont d’abord et surtout ceux de la langue écrite, tels qu’ils sont représentés dans les grammaires. La typologie, qui se donne pour objectif d’établir des classifications à grande échelle, fait la part belle au général, voire à l’universel. Elle a cependant permis in fine de mieux prendre la mesure des différences, occasionnant un regain d’intérêt pour le relativisme linguistique, ainsi que nous l’avons expliqué au chapitre précédent. Or ces variations que la typologie repère et assigne à des familles de langues, ne constituent-elles pas parfois aussi une potentialité au sein d’une même langue, c’est-à-dire au niveau intra-typologique?

L’existence d’options expressives n’a été prise en compte que dans un second temps (Slobin, 1996a), et a permis de distinguer certains usages en termes de registres, d’accessibilité relative, mais aussi de mise en relief d’une ou plusieurs composantes de l’événement (Hickmann et al, 2009 : 708). Il est d’autant plus important de mentionner l’existence de ces options que les corpus d’acquisition du langage présentent un double écart avec les normes de l’écrit. Il s’agit de corpus oraux, et la langue adressée à l’enfant est une langue modulée. Les données typologiques et développementales présentent donc des différences irréductibles.