Pour une analyse contextualisée des productions spontanées

Pour observer au mieux les contextes de production, on peut les contrôler. C’est ce que font les études expérimentales, où l’on demande par exemple à des enfants de langues différentes de raconter une histoire à partir d’un livre d’images unique (par exemple Mayer, 1969 : l’histoire de la grenouille souvent utilisée pour comparer l’expression du déplacement). Cette dimension expérimentale ajoute à notre connaissance des comportements ou productions langagières probables (aussi appelée intuition du locuteur natif) l’idée de comportements possibles, et substitue à l’intuition une observation guidée. On postule bien entendu que les conditions expérimentales permettent une reprise de comportements habituels, mais l’expérimentation introduit forcément des biais (Lucy, 1996 : 47).

Or si les suivis longitudinaux se situent à l’opposé de l’expérimentation contrôlée (ils cherchent à rester au plus près des interactions naturelles) ils introduisent pourtant presque toujours un biais expérimental au sein de celles-ci : rares sont les interactions filmées qui restent absolument naturelles, et surtout, les contextes que l’on filme sont nécessairement plus restreints que le quotidien, et donc peu représentatifs (cf. chapitre II, 2.1). Il nous semble cependant que l’on peut réduire considérablement ce biais en réalisant des comparaisons contextualisées, qui montrent la spécificité de certains contextes de production et nous éloignent de généralisations que la spécificité des données ne permet pas d’atteindre.