3.1.2. Verbes légers

L’une des contraintes s’exerçant sur l’expression de la manière de mouvement peut être la fréquence d’utilisation de verbes dits légers, ou présentant un haut degré de généralité sémantique : à l’exception des verbes tomber et fall, ils ne comprennent en effet aucune indication sur la manière, qui devra par conséquent être exprimée ailleurs. Nous avons quantifié la part de ces verbes dans les énoncés du discours adressé à l’enfant que nous avons codés pour l’expression du déplacement. Le graphique ci-dessous présente les résultats d’une classification des énoncés en trois catégories : ceux qui comportent un verbe, à propos desquels nous avons codé s’il était léger ou non, et ceux qui expriment le déplacement par d’autres moyens linguistiques.

Figure 52 : Part des verbes légers dans le langage adressé à l’enfant (LAE).
Figure 52 : Part des verbes légers dans le langage adressé à l’enfant (LAE).

On voit qu’à l’exception de la mère de Théotime, qui utilise beaucoup d’autres verbes, la part des verbes légers représente presque la moitié des énoncés codés. Cette particularité remarquable du discours adressé à Théotime n’est certainement pas sans lien avec le profil de l’enfant, bien repéré par Chenu & Jisa (2006 : 256-257) qui notent que dans l’expression du mouvement causé, Théotime utilise davantage de verbes spécifiques que Marie, qui préfère les verbes légers (en particulier mettre). Les auteures n’avaient pas repéré de spécificité dans l’expression du mouvement causé chez la mère, puisque le verbe mettre y est, tout de même, relativement fréquent (14% des énoncés codés ici, soit plus la moitié des verbes légers, voir aussi Chenu & Jisa, 2006 : 255). La considération conjointe de plusieurs types d’événements, qui ouvre un éventail plus large de possibilités dans l’usage des verbes, fait cependant ressortir une relative sous-représentation des verbes légers chez la mère de Théotime, qui va de pair avec l’usage de verbes spécifiques comme (s’)accorcher, mais aussi (se) ballader, se relever, forcer, se retourner etc.

Lorsqu’elles utilisent des verbes légers, les mères sont plus susceptibles de ne pas donner d’indication sur la manière, quelle que soit la langue. Même si cela ne concerne qu’une part presque négligeable de nos énoncés codés (entre 3% et 5%) nous relevons le recours à quatre stratégies qui, comme le montrent les exemples ci-dessous, fonctionnent aussi bien en français et en anglais.

Figure 53 : Verbes légers et expression de la manière
Figure 53 : Verbes légers et expression de la manière

En définitive, la comparaison des énoncés adressés à l’enfant sous l’angle des verbes légers fait davantage ressortir certaines caractéristiques style des mères que des différences inter-langues. Mais au-delà de ces différences, l’importance des verbes légers est manifeste dans nos données, qui suivent bien la tendance déjà décrite dans de nombreux travaux.