Trajectoires simples ou complexes ?

L’expression de trajectoires complexes, rendue possible par l’accumulation de satellites en anglais, ne trouve d’équivalent en français que via l’emploi de plusieurs verbes, et produit donc plusieurs énoncés en français (Khalifa, 2001). Ce constat nous invite à prêter une attention toute particulière à la distribution inter et intra-énoncés. A l’examen, il semble cependant que les trajectoires complexes soient plus fréquemment exprimées en lecture :

Hurry hurry, load the freight, to the city, can't be late.

through the country, on the loose.

round the mountains, high n steep

through the valleys, low and deep

into tunnels underground, see the darkness, hear the sound.

cross the river, swift n wide.

Séquence 24 : la mère de William (1 ;4.10) raconte l’histoire du train

Ce type de formulation n’a effectivement pour équivalent dans les récits adressés à l’enfant par une mère francophone que la juxtaposition de verbes ou de substantifs déverbaux, et on remarque que le circonstant sert ici à dire la destination du long voyage de Plume :

Plume s’en va voir son papa

Tout au bout de la banquise

Quelle merveilleuse découverte !

Séquence 25 : la mère de Marie (1;2.28) raconte l’histoire de Plume

Dans l’ensemble, cependant, les trajectoires complexes en anglais, comme les semblants d’équivalents que l’on peut leur trouver en français, appartiennent à un registre marqué, peu usité (à peine plus de 2% des énoncés codés) dans les interactions avec le jeune enfant.

L’ensemble de ces considérations sur l’expression de la trajectoire en français et en anglais fait ressortir des spécificités issues des caractéristiques de deux familles de marqueurs distinctes : les particules se prêtant mieux à l’énumération structurée autour d’un seul verbe, celle-ci sera nécessairement plus lourde en français, en dépit d’efforts stylistiques parfois manifestes pour varier les ressources langagières mises en œuvre. Les différences observées sont aussi issues du sémantisme des éléments qui servent à marquer la trajectoire : les prépositions ou particules anglaises expriment souvent conjointement trajectoire et but53, alors que le français sera conduit à distinguer l’expression de la trajectoire, dans le verbe, de celle du but –le plus souvent dans un circonstant. Certaines syntagmes prépositionnels, tout comme certains usages de particules, peuvent cependant aussi exprimer la localisation statique en anglais, nous en avons donné de nombreux exemples (notamment 69 à 71) dont nous avons montré que l’on ne pouvait les opposer aux usages dynamiques que sur la base d’une détermination contextuelle.

Notes
53.

sauf « in » et « on », qui ont des correspondants dynamiques, mais dont nous avons vu qu’ils pouvaient tout de même avoir des usages dynamiques