3.1.5. Pour une typologie des contextes

Nous l’avons dit, l’analyse des productions langagières en contexte est pour nous indispensable : en effet, nous reconnaissons pleinement la dimension interprétative de toute analyse linguistique, et pensons qu’il est important de faire reposer cette interprétation sur une compréhension fine du contexte discursif, c'est-à-dire non seulement du type d’interaction, mais aussi des éléments situationnels qui sont mis en avant par les locuteurs, et des moyens mis en œuvre à cet effet. Ainsi par exemple, si nous avions codé l’énoncé suivant, produit par la mère de Théotime (au cours du cinquième enregistrement, alors que Théotime a 1;1.24), sans référence au contexte discursif, nous lui aurions presque inévitablement imposé une interprétation fausse :

(113) Il est parti sur le piano, là54.

Il s’agit en fait d’un commentaire sur l’intérêt de Théotime pour le piano de sa sœur, indiquant qu’il va probablement y passer un certain temps, mais sans mention d’un déplacement quel qu’il soit. Nous n’avons pas pris en compte dans le présent codage les usages dits figurés ou métaphoriques, qui auraient ajouté un degré de complexité n’intéressant pas immédiatement le développement précoce, et avons par conséquent exclu cet énoncé. Les valeurs non spatiales des verbes aller, arriver, marcher etc. n’ont donc pas non plus été prises en compte, d’abord parce que les énoncés concernés étaient peu nombreux, mais aussi et surtout parce qu’ils n’expriment plus alors la trajectoire ou la manière de mouvement, et deviennent alors impossibles à coder selon les critères que nous avons établis. Ainsi dans les exemples suivants :

(114) La mère de William (2;2.09): And you push it down.

Go like this

(115) La mère de Théotime (1;6,23): Tu la retournes ? (Théotime essaye d’introduire une carte dans le téléphone)Ça marche plus !

Une fois ces premières déterminations établies, notre codage des énoncés retenus doit permettre de déterminer si certains types d’événements sont plus fréquents dans l’une ou l’autre langue : l’on pourrait notamment s’attendre à ce que les mères anglophones parlent davantage de déplacement volontaire, les mères francophones d’activités. Nous revenons sur ces distinctions dans ce qui suit.

Notes
54.

Cet énoncé n’est certes pas adressé à l’enfant, et nous n’avons pris en compte ici que les séquences qui étaient intégrées dans une interaction entre la mère et l’enfant, où le thème conversationnel –lié à l’expression du déplacement- faisait l’objet d’une attention conjointe. Nous le citons simplement à titre d’exemple.