Résumé

Nous partons ici d’une confrontation des acquis de la typologie sémantique avec nos données d’acquisition du langage, qui présentent des particularités remarquables, afin de souligner l’importance des contextes de production et la possibilité de variations reflétant des choix énonciatifs différents. E si nos analyses tiennent compte des résultats de la typologie sémantique et en reprennent les outils, elles y ajoutent cependant une prise en compte du « contexte discursif » (Morgenstern, 2006) qui s’impose si l’on veut tenir compte de la spécificité des suivis longitudinaux, mais aussi rendre compte des productions langagières dans toute leur richesse.

Ce chapitre se donne donc pour référence le discours adressé à l’enfant, dont l’analyse permet de faire ressortir des caractéristiques communes aux deux langues, ainsi que des points de contraste. On observe une légère prédominance de l’expression de la manière en anglais, par comparaison aux productions françaises, qui ont cependant recours aussi à des formes non canoniques souvent oubliées dans la littérature. L’importance des verbes légers est commune aux productions des quatre mères observées ici, même si elle fait ressortir aussi des styles conversationnels différents. Dans l’expression de la figure et du fond, les productions des mères francophones et anglophones sont également assez semblables, mais on remarque une tendance des premières à insister davantage sur le fond.

L’analyse des premières productions de nos quatre enfants donne des résultats moins uniformes, et fait donc davantage ressortir les différences interindividuelles. Si Marie et William se conforment assez bien aux tendances déjà décrites, nos analyses font ressortir la spécificité des premières productions de Théotime et Naima, qui utilisent d’emblée des moyens linguistiques plus diversifiés. Il faut cependant envisager qu’une partie au moins des différences observées soient induites par le contexte : nous avons vu par exemple que Marie exprimait plus fréquemment le mouvement causé, et que la caractérisation de ses productions était fortement influencée par la présence de nombreux énoncés avec le verbe mettre. Or ceux-ci répondent à des contraintes propres : en particulier la mention plus fréquente (sinon obligatoire) du fond, qui explique que Marie utilise davantage de satellites.