2.4. U pet le verbe : deux types de constructions

L’ambiguïté que nous venons de repérer n’existe véritablement que pour les énoncés à un terme64, mais un autre type de problème se fait jour dès lors que l’on considère l’ensemble des énoncés contenant up : en combinaison avec des verbes, deux types de constructions et donc deux ensembles de significations se dégagent, comme le montrent ces exemples issus de nos données :

(159) a-Did you wanna go up the slide, go down the slide?

b- Mummy’s gonna open up this red.

Le deuxième exemple nous mène sur un terrain que la typologie ne prend pas en compte, étant donné que la particule n’est plus un satellite exprimant la trajectoire, mais présente un sens plus abstrait, en même temps qu’un un haut degré d’intégration au verbe. Dans le premier exemple, le syntagme prépositionnel précise le sens initial du verbe, en y ajoutant une trajectoire orientée vers un point d’arrivée. On voit dans la reformulation de la mère que upse construit alors en paradigme avec down, qui pourra lui être substitué. Cette première famille de constructions comprend des usages dits métaphoriques où updésigne par exemple une augmentation du volume sonore (speak up) ou de la quantité de chauffage produite par les radiateurs (« turn the heating up »). Dans le deuxième exemple, up signale une opération sur le verbe, et l’ensemble qu’il forme avec celui-ci est plus difficilement sécable : on parlera alors d’un sens abstrait ou « non spatial », plutôt que de chercher des distinctions en lien avec l’accompli ou la résultativité, qui à l’évidence constitue une possibilité pour l’une ou l’autre construction :

‘“After something is bleached white it is white, and after a person gets away, he is away. The notion of resultant condition is essential to phrasal verbs."Bolinger (1971: 96)"’

Cette distinction entre un sens spatial et un sens abstrait présente pour nous un avantage majeur, en plus de son bon fonctionnement dans l’analyse des données : elle correspond à celle que l’on trouve dans la littérature sur l’acquisition des particules (Diessel & Tomasello, 2005 ; Gries, 2003, sous presse), même si elle n’y est pas toujours explicitée en ces termes. Si l’on reprend par exemple les tests de Gries (sous presse : p.5 de la version article) : le sens spatial répond bien au premier test « after the action, the referent of the object is UP », et le sens abstrait ou non spatial répond au second « after the action the ref of the object is completely verb-ed » qui montre que l’objet est affecté par l’ensemble verbe + up.

Le codage que nous avons finalement choisi d’adopter est donc avant tout lié à deux types (schématiques) de constructions : il repose en ceci sur une conception holiste et non compositionnelle du sens. Nous n’avons pas cherché à isoler un sens pour chaque occurrence de up, mais avons voulu trouver des régularités dans les constructions rencontrées. A partir de ces deux types de fonctionnements repérés, nous avons retenu un sens directionnel, qui correspond au up adverbial, mais aussi aux usages holophrastiques ou à des usages de verbes accompagnés de syntagmes prépositionnels, et un sens abstrait, qui conduit à donner au verbe un statut thématique : dans notre exemple (159) b- on voit ainsi que « open up » sort de l’opposition open/close (Quayle 1994 : 207).

Reste la question de l’ubiquité du sens résultatif : nous avons vu que les syntagmes prépositionnels téliques étaient fréquents en anglais, et que cette propension à encoder ensemble trajectoire et résultat était aussi valable pour de nombreuses particules. Aske (1989) isole donc deux catégories de syntagmes exprimant la trajectoire : les locatifs et les téliques, les seconds ne spécifiant pas seulement le lieu où se déroule l’action mais effectuant une prédication supplémentaire (ils localisent la figure par rapport au fond, ou précisent l’état final). Il commence par classer l’énoncé suivant dans la catégorie des locatifs :

(160) Pat went up the ladder.

Mais il analyse ensuite ces syntagmes prépositionnels comme offrant toujours la possibilité d’une interprétation télique. Les deux interprétations sont donc ici en concurrence : c’est ce qui explique, pour nous, que seul le contexte permette de lever l’ambigüité en focalisant l’attention du locuteur sur une action en cours ou particulièrement remarquable, ou en insistant sur le résultat.

La seconde prédication qui est manifeste dans l’interprétation télique permet, nous l’avons dit, de penser la spécificité des constructions résultatives en anglais : constructions produites par la combinaison d’un verbe permettant un tel effet de sens et d’une particule qui en est porteuse (Larreya & Rivière, 1991 : 23). Or si, comme nous le suggérons, la valeur résultative est construite dès les premiers usages de up, elle facilitera probablement sa prise en compte dans l’usage de ces constructions. A l’inverse, R. Berman (2008) a distingué, au sein des productions de locuteurs ayant l’anglais pour langue seconde (L2), les valeurs aspectuelles65, directionnelles et idiomatiques de verbes à particule, et a montré que la prise en compte des valeurs aspectuelles était plus difficile (donc plus tardive) que celle de valeurs directionnelles, dont on pourrait dire alors qu’elles sont plus évidentes car plus proches du « noyau de sens » que les locuteurs L2 ont appris à assigner à ce marqueur. Nous revenons dans ce qui suit sur les problèmes que posent les constructions avec verbes à particule et ce qu’ils révèlent.

Notes
64.

Sauf cas particuliers, discutés ci-dessous.

65.

Celles-ci recouvrent l’interprétation télique qui rproduit les valeurs que nous appelons résultatives.