2.4.2. Deux constructions, avec leurs contraintes propres

La contrainte majeure est, pour nous, liée à la fréquence d’occurrence de chacune des deux versions. A l’oral, les constructions postposées sont plus fréquentes (Gries, sous presse), mais certaines particules font exception, et c’est le cas de up : l’on observe en proportion plus de constructions adjacentes qu’avec les autres particules (Browman 1986), et celles-ci sont préférées en particulier, semble-t-il, avec pick up (Bolinger 1971:10). L’alternance n’en est que plus intéressante, puisque up va contre une tendance générale à la postposition qui pourrait suffire à expliquer la priorité d’acquisition. Nous proposons alors de retenir deux séries de facteurs contraignant l’alternance, et dessinant ainsi deux variantes constructionnelles.

Les pronoms forcent presque toujours la postposition de la particule, sauf exceptions notoires bien recensées par Bolinger (1971 : 39). Inversement, la longueur et la complexité de l’objet font qu’il se trouvera le plus souvent alors en position finale (Bolinger 1971, Lindner 1981, Diessel & Tomasello 2005). Le lien entre ces deux éléments nous donne une indication intéressante quant au rôle de facteurs discursifs qui s’articulent autour de l’information exprimée par le syntagme nominal objet : l’information ancienne, exprimée sous forme pronominale et non saillante se trouvera plutôt avant la particule, alors qu’une nouvelle information sera focalisée en position finale, et bien souvent accentuée. Ainsi que l’explique Bolinger (ibid), et comme le montrent les exemples ci-dessous, la position relative de la particule et de l’objet constituent un moyen de mise en relief :

(164) a-Daddy’s cooking up a meal!

b-I brought some snacks up, William, because it’s so hot!

Autre contrainte en partie indépendante de la précédente : lorsque la particule a un sens littéral (spatial ou métaphorique) elle se trouvera plutôt en position finale, par opposition à un up décoloré, qui aura plutôt tendance à rester dans l’entourage proche du verbe. L’exemple de certains verbes à particule dits « inséparables » montre bien en quoi le haut degré de fusion avec le verbe rend la postposition difficile. On retrouve alors un lien avec les facteurs discursifs, puisqu’une particule désémantisée ne dispose pas d’une autonomie suffisante pour être mise en relief.

Idéalement donc, il existerait deux types de constructions, ou deux réalisations structurelles d’une même construction (que B.Cappelle, 2006, nomme donc deux « allostructions »)

Figure 68 : Schéma des deux variantes constructionnelles ou « allostructions ».
Figure 68 : Schéma des deux variantes constructionnelles ou « allostructions ».

Cependant, l’alternance fonctionne aussi avec des usages non littéraux de up, comme dans les exemples (162) ci-dessus. De plus, dans nos trois exemples d’alternance, il semble que la postposition encourage une lecture résultative, en insistant sur la trajectoire ou le changement d’état exprimés par la particule, alors que la position adjacente donne une lecture plus neutre.

En définitive, l’on voit certes se dessiner deux extrêmes pour lesquels l’une ou l’autre position de la particule est fortement favorisée, mais il semble bien difficile d’établir deux sous catégories de verbes à particules sur cette base. Nous avons donc choisi de ne garder, dans notre analyse des données, qu’une seule catégorie de verbes à particule au sein de laquelle certains facteurs sémantiques et discursifs permettent de rendre compte de l’alternance et de la construction de différents effets de sens.