I-1.2.1.1.Précarité, conditions de travail et santé

On note qu’il existe un lien entre statut contractuel et conditions de travail, lesquelles apparaissent dans leur majorité plus défavorables aux salariés sous statut précaire (Doniol-Shaw & Lasfargues, 1999). De plus, les situations sociales précaires peuvent conduire les salariés à accepter les risques liés à certaines situations de travail. Non pas parce qu’ils ignorent l’existence de ces risques, mais parce qu’ils sont tenus de préserver leur place. La prise de conscience des liens entre l’activité de travail et l’état de santé, ainsi que la perception des conditions de travail et des risques, est entravée par l’instabilité même de la situation (Gollac & Volkoff, 2006). Le partage d’une culture de métier permet la mise en commun des représentations construites des liens entre la santé et le travail. Mais la précarité ne permet pas au salarié d’intégrer des collectifs de travail stables. Les travailleurs intérimaires n’ont pas cette possibilité et peuvent juger plus acceptables certaines conditions de travail que les salariés en contrat indéterminé avec lesquels ils travaillent provisoirement. La précarité peut également amener les travailleurs qui la vivent, par choix ou non, à relativiser les effets de leurs conditions de travail. Gollac & Volkoff (Ibid.) écrivent : « En quelque sorte, elles ne compteraient pas, dans la mesure où elles sont perçues comme amenées à changer dans un avenir relativement proche » (p. 11). Les salariés qui occupent des emplois précaires sont le plus souvent peu qualifiés, ils se voient confier les travaux les plus pénibles et les plus dangereux, ils n’ont pas accès à toutes les informations dont bénéficient les salariés stables, ils n’ont pas le temps de construire des gestes de métier et des façons de faire qui préservent leur santé. Malgré cela, en 1997, les salariés en contrat précaire exprimaient davantage de « bonheur » au travail que les salariés bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée. L’aspect provisoire des conditions de travail auxquelles ils doivent répondre les conduit à les relativiser. Mais, si d’un emploi précaire ils passent à un emploi durable, leur perception des conditions de travail peut, paradoxalement, en être dégradée (Gollac & Volkoff, 2006).

L’émergence des formes d’emploi atypiques, ainsi que l’importance qui leur était accordée sur la scène publique, ont également favorisé la multiplication des travaux consacrés à l’instabilité et à l’insécurité sociale liées aux emplois précaires (Bardasi & Francesconi, 2004 ; Benavides & Benach, 1999; Ferrie, Shipley, Stansfeld & Marmot, 2002 ; Rodriguez, 2002 ;Savada, O’Connor & McCreary, 2000). Ces différents travaux ont démontré les liens qui existent entre ces formes d’emploi atypiques (temps partiel, intérim par exemple) et l’insatisfaction au travail, le stress, l’anxiété et la dégradation de l’état de santé en comparaison aux salariés stables.